L'objectif de ce blog

Ce blog est le support du séminaire Gouvernance Financière animé par Jean-Florent Rérolle à Sciences Po depuis l'année 2004-2005 (séminaire de printemps). Il est destiné avant tout aux étudiants inscrits au séminaire, mais il est aussi ouvert à tous ceux qui s'intéressent à cette matière qui est devenue une composante essentielle de la finance d'entreprise, en particulier aux étudiants qui n'auront pas pu s'inscrire et qui veulent avoir un aperçu de ce que nous allons traiter durant ce semestre. Le programme détaillé des séances peut être téléchargé ici.
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jeudi 31 décembre 2009

Préparation de la séance 3

Pour la préparation de cette séance consacrée aux normes, les étudiants sont invités à lire les documents suivants :


Une description des principales règles de gouvernance et de la structure des conseils d'administration en France réalisée par Skadden. Cette lecture est impérative pour pouvoir suivre les propos de Didier Martin : il faut que vous ayez des notions sur la façon dont les sociétés françaises sont organisées.

Le code en vigueur en France : "Le code de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées" dont la dernière version a été publiée en décembre 2008.


"Le Comply or explain : la transparence conformiste en droit des sociétés" par Björn FASTERLING et Jean-Christophe DUHAMEL, Revue Internationale de Droit Economique 2009/2 (disponible sur le site de la bibliothèque de SciencesPo.

Tous ceux qui ne sont pas familiers avec le droit des sociétés (en particulier les différentes formes : Société Anonyme classique, Société à Directoire et Conseil de Surveillance, les pouvoirs des dirigeants, les droits des actionnaires ...) sont invités à se reporter à la bibliographie complémentaire sur ces sujets.

mercredi 5 août 2009

La gouvernance raisonnable

La prolifération des codes et des mesures législatives a abouti à une surproduction normalisatrice dans le domaine de la «bonne » gouvernance. Et en temps de crise, ce phénomène a tendance à s’accélérer sous la pression médiatico-politique. Une nouvelle couche de réglementation est alors ajoutée dans la précipitation sans mesurer précisément les conséquences négatives qu’elle peut avoir sur la performance des entreprises, leur capacité à attirer des administrateurs et des dirigeants de qualité et la pratique de la gouvernance dans les sociétés.

Face à cette situation, les entreprises petites et moyennes ont souvent le sentiment que toutes ces prescriptions sont plus adaptées aux grandes entreprises cotées. De fait, les principes de gouvernance ont été inventés pour répondre aux problèmes d’agence qui se posent avant tout dans les situations où la propriété du capital est séparée de la direction des entreprises. La plupart des codes procèdent d’une conception avant tout disciplinaire : il s’agit de surveiller les dirigeants afin de s’assurer qu’ils n’abusent pas de leur pouvoir discrétionnaire et que leurs décisions sont bien conformes aux intérêts des actionnaires.

Mais force est de constater que cette philosophie a perdu de son lustre dans la tourmente financière des deux dernières années et cette situation ne peut que renforcer le scepticisme des entreprises petites et moyennes entreprises face à des prescriptions qui leur apparaissent superficielles et lourdes. %%%

C’est la raison pour laquelle MiddleNext a demandé au Professeur Gomez qui dirige l’Institut Français du Gouvernement d’Entreprise de produire « un rapport qui mette à jour non pas de nouvelles propositions, mais les bases pour la gouvernance des entreprises moyennes cotées ». Ce rapport est tout à fait remarquable. La qualité de ce texte répond bien à l’objectif de son auteur, à savoir mettre au point
un texte qui intègre et met en cohérence les réflexions sur la gouvernance d’entreprise de façon à présenter un référentiel commun pour tous ceux qui cherchent à en améliorer les pratiques.

et qui mette en lumière :

le plus petit commun dénominateur pour tous les codes de gouvernance en présentant les principes qui fondent le gouvernement des entreprises.

Cet opuscule comporte trois parties.

1. La première critique la vision réductrice de la gouvernance et présente les principes d’une « gouvernance raisonnable ».

Le gouvernement d’entreprise est défini (de manière assez classique) comme :
« un ensemble de dispositions légales, règlementaires ou pratiques qui délimite l’étendue du pouvoir et des responsabilités de ceux qui sont chargés d’orienter durablement l’entreprise. Orienter l’entreprise signifie prendre et contrôler les décisions qui ont un effet déterminant sur sa pérennité et donc sa performance durable. »

L’auteur distingue trois pouvoirs : le pouvoir souverain des actionnaires, le pouvoir exécutif des dirigeants, et le pouvoir de surveillance des administrateurs. De leur agencement va découler le système de gouvernance de l’entreprise qui a comme fonction « d’établir un climat de confiance à l’égard de ceux qui gouvernent l’entreprise ».

Ce système doit être raisonnable, c’est-à-dire fondé sur la raison et non sur les procédures. L’auteur invite à respecter l’esprit et non la lettre de quelques principes : une répartition des pouvoirs claire, une vigilance pour éviter les dysfonctionnements du système et le souci de l’efficacité de chacun des pouvoirs.

2. La seconde partie est consacrée à chacun des trois pouvoirs dont l’auteur veut clarifier la portée et identifier les risques de dysfonctionnements.

La fonction essentielle du pouvoir exécutif est d’assumer la stratégie. Pour Pierre-Yves Gomez, il est absurde de séparer la définition de la stratégie de son exécution. Le dirigeant doit avoir « une latitude suffisante pour définir, conduire et assumer la stratégie de l’entreprise ». De ce point de vue, l’approche est très différente des positions habituellement prises dans les codes de gouvernance ou même dans la loi qui dispose que le conseil « détermine les orientations de la société et veille à leur mise en œuvre ». L’auteur est plus proche du fonctionnement théorique d’une SA à Directoire et Conseil de Surveillance (théorique car dans la pratique on observe bien souvent qu’il y a peu de différences entre le CS et le CA classique dans le domaine stratégique).

La séparation des fonctions de Directeur général et Président du Conseil est recommandée pour des raisons de clarté. Si elle devait être réunie pour des raisons pratiques, l’auteur suggère qu’un comité stratégique composé uniquement de personnalités extérieures se réunisse régulièrement pour challenger les choix stratégiques du dirigeant.

Le pouvoir de surveillance a comme rôle d’« anticiper et (d’) éviter les dérives dans l’exercice de l’exécutif ». A ce titre, les administrateurs valident la stratégie, les budgets et les décisions importantes. Ils exercent une vigilance sur quatre points clés de la fonction exécutive : la compétence du dirigeant, le risque de son isolement, sa rémunération et sa succession. Enfin, ils rendent compte au pouvoir souverain dans un rapport de gouvernance de la façon dont ils ont exercé leur devoir de surveillance.

Ils doivent exercer leur vigilance sur plusieurs points : le respect de leur compétences (ils ne doivent pas empiéter sur le domaine de l’exécutif), l’efficacité de l’exercice de leur devoir de surveillance, les moyens matériels de remplir cette mission, leur compétence, et les biais éventuels qui pourraient affecter leur indépendance de jugement (rémunération, durée du mandant, conditions de révocation).

Le pouvoir souverain est celui des actionnaires. Il consiste à « incarner la responsabilité symbolique et pratique de la continuité de l’entreprise en donnant des moyens aux autres pouvoirs d’assurer leur mission ». Ce pouvoir s’exerce par la désignation et le contrôle de l’activité des administrateurs. A ce titre, les actionnaires doivent être informés des risques qui pourraient menacer la pérennité de l’entreprise. Ils doivent être en mesure de participer pleinement aux votes. Ils doivent être informés de l’action du pouvoir de surveillance, notamment lorsque des actionnaires minoritaires pourraient être lésés.

3. De la configuration interactive de ces trois pouvoirs résultent cinq systèmes de gouvernance dont les risques sont distincts, et qui font donc l’objet de préconisations diversifiées:
  • l'autocratie entrepreneuriale fermée (la totalité des pouvoirs est contrôlée par l'exécutif)
  • l’autocratie entrepreneuriale ouverte (il existe un actionnaire minoritaire mais le pouvoir de surveillance est dominé par l'exécutif)
  • la domination actionnariale (actionnaires de contrôle)
  • la domination managériale (actionnariat dispersé ou peu actif)
  • la démocratie entrepreneuriale (cas opposé au premier où les trois pouvoirs sont parfaitement séparés).

Comme nous l'écrivions dans le vade-mecum de l'administrateur, c'est à chaque entreprise de décider quel est le système qui lui convient le mieux.

Ce livre mérite d’être lu et relu pour les raisons suivantes :

- Il est une excellente synthèse de l’esprit de la gouvernance, souvent oublié au profit de la « compliance ». Il se concentre sur les points essentiels : l’équilibre et l’efficacité des pouvoirs qui passent par une clarification du rôle de chacun et une discipline de vigilance pour tous pour s’assurer que le système, quel qu’il soit, fonctionne de la manière dont on avait prévu qu’il fonctionne. Aucun système n’est privilégié. C’est à chaque entreprise de définir celui qui lui assurera la confiance de ses partenaires (y compris les actionnaires).

- Il aborde plusieurs questions d’une manière originale. Par exemple la rémunération n’est pas vue comme une incitation, mais comme un élément qui pourrait influer négativement sur les décisions. De même, en clarifiant et en simplifiant le rôle des administrateurs, il leur permet d’exercer plus facilement leur rôle et de ne voir leur responsabilité engagée que dans ce domaine.

- Il comporte des recommandations nouvelles et intéressantes comme par exemple :

  • La rédaction d’un rapport sur la gouvernance (que l’on peut imaginer beaucoup plus riche, concret et spécifique que le rapport du contrôle interne que le Président du conseil doit remettre chaque année à l’AG)
  • La rémunération des administrateurs en fonction du temps consacré à leur mandat
  • Des incitations pécuniaires pour favoriser le vote des actionnaires
  • L’interdiction des procurations des actionnaires aux autres pouvoirs
  • L'appel à une réflexion sur des "instances de représentation des actionnaires qui tiennent compte de leur masse et permette l'exercice véritable de votes éclairés et sereins"
  • la gestion de l'évolution de l'actionnariat

jeudi 26 mars 2009

Un panorama sur les conseils d'administration en Europe

Heidrick & Struggles vient de faire paraître son dernier rapport sur les conseils d’administration en Europe, excellente photographie de la situation de la gouvernance dans les pays européens.

Ce rapport comporte des détails intéressants sur la situation française en matière de : fréquence des réunions ( 8 par an en France ; 9,6 en moyenne en Europe), disponibilité des administrateurs (nous sommes en 8ème position) et des présidents (12ème position), durée du mandat (6,8 ans), nombre d’administrateurs (14,6 pour la France, ce qui nous place en seconde position derrière l’Allemagne).
Nos conseils sont également plutôt machos : 23% des entreprises n’ont aucune femme au sein de leur conseil !
Bien que nous soyons placés dans une position moyenne dans le classement réalisé par H&S, on relève des propos sévères à l’égard de la France :
« French directors are the second oldest in Europe (average age: 61.6), they have the fourth longest length of tenure and at over six years, the time they serve on boards is greater than every other country. All of these are inertia factors that could hinder boards looking to renew their expertise with fresh talent. Effectiveness is also limited by the multiple directorships many board members hold. This dilutes the talent pool and limits the ability of board members to become active participants in business improvement by challenging or supporting senior management. »

Nous avons donc une certaine marge de progression ...

Pour une retrospective de l'évolution de la gouvernance sur les 25 dernières années, voir le rapport de Spencer Stuart "Spencer Stuart US Board Index 2010" et le résumé qui en est fait dans Business Week

mercredi 18 mars 2009

Comply or Explain

L'application des normes de bonnes gouvernance repose encore très largement sur l'autodiscipline des entreprises. D'une manière générale, c'est la règle du "comply or explain" qualifiée de "fondamentale" par le Code de gouvernement d'entreprise français qui doit être respectée :
"Les sociétés cotées qui se réfèrent à ce code de gouvernement d’entreprise doivent faire état de manière précise, dans leur document de référence ou dans leur rapport annuel, de l’application des présentes recommandations et expliciter, le cas échéant, les raisons pour lesquelles elles n’auraient pas mis en oeuvre certaines d’entres elles".

Cette obligation d'information est obligatoire depuis la loi du 3 juillet 2008 (loi portant diverses dispositions d’adaptation du droit des sociétés au droit communautaire). L'entreprise s'y conforme dans le "Rapport du Président sur le Gouvernement d'entreprise et le contrôle interne". L'AMF doit également faire un rapport annuel sur ces questions. Enfin, dans le dernier Code de gouvernement d'entreprise, le MEDEF et l'AFEP précisent qu'elles vont analyser les informations publiées par les sociétés du SBF 120 et qu'elles saisiront les dirigeants des sociétés qui ne s'expliquent pas suffisamment sur les recommandations non appliquées. A noter que le MEDEF s'est également engagé à publier chaque année un rapport sur l'application du code de gouvernement d'entreprise.

Cette approche d'autorégulation est la plus saine car elle permet à chaque entreprise de définir son propre système de gouvernance en fonction de la géographie de son capital, de son histoire, de ses caractéritiques financières et stratégiques propres... Il faut espérer que la fébrilité des pouvoirs publics (cf l'ahurissante proposition de loi du porte-parole de l'UMP ou la lettre adressée par Mme Lagarde et M. Hortefeux à la Présidente du Medef lui demandant de faire des propositions opérationnelles sur la suppression des bonus des patrons qui licencient, et cela dans les... 15 jours !) ne mettra pas en cause cette approche.

Pour une illustration du type de communication qu'une entreprise peut faire sur ces questions, voir les "indicateurs de gouvernement d'entreprise" du groupe Vivendi.

dimanche 1 février 2009

Des codes de gouvernance convergents

La gouvernance d'entreprise est très largement dictée par les codes de gouvernance ou de bonnes pratiques qui sont publiés dans chaque pays (La communauté européenne après s'être interrogée sur l'opportunité d'en publier un, elle aussi, a finalement décidé de laisser cette initiative aux différentes autorités nationales).

En France, un code consolidé vient juste d'être publié. Il est le fruit des différents rapports qui ont été diffusés par le Medef et l'Afep depuis 1995 (Rapport Viénot I, Rapport Viénot II, Rapport Bouton, Recommandations sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux de sociétés cotées). C'est un document essentiel à lire absolument

On trouvera l'ensemble des codes en vigueur dans tous les pays qui en ont adpoté un sur le site de l'ECGI (European Corporate Governance Institute). La firme d'avocats d'affaires Weil Gotshal réalise régulièrement une comparaison systématique du contenu des principaux codes applicables.

L'OCDE a joué un rôle essentiel dans la propagation des principes de bonne gouvernance dans le monde. Les principes de gouvernement d'entreprise de l'OCDE dont la seconde mouture est sortie en 2004 sont disponibles sur le site de cette organisation.

La lecture des principes et mécanismes mis en exergue dans ces différents codes laisse entrevoir une certaine convergence même si ce point fait encore l'objet de nombreux débat dans le monde académique. Dans son étude "la convergence internationale des systèmes de gouvernance des entreprises : faits et débats", Jérôme Caby passe en revue les raisons pour lesquelles on observe encore une disparité entre les différents systèmes de gouvernance et les facteurs de convergence à l'oeuvre.

mardi 11 mars 2008

Les défauts des codes de bonnes pratiques de gouvernance

Le débat sur la gouvernance s’est très largement focalisé ces dernières années sur la mise en place et l’application de codes de bonnes pratiques de gouvernement d’entreprise. On a assisté à une véritable prolifération de ces codes puisque l’ECGI n’en recense pas moins de 180 ! Les entreprises sont invitées à se positionner par rapport au code en vigueur dans leur pays d’origine dans une logique de « comply or explain ». Les agences de notation spécialisées s’appuient sur ces documents pour donner des conseils ou des consignes de votes aux actionnaires.

Ces codes qui sont devenus un élément essentiel car structurant de la gouvernance des entreprises font l’objet d’un petit livre très intéressant (« les meilleures pratiques de gouvernance d’entreprise ») écrit par Peter Wirtz, professeur de finance à l’Université Lumière-Lyon-II.

Je vous conseille vivement de lire cet ouvrage dont les principales idées sont les suivantes :
  1. Tous ces codes sont largement influencés par la théorie de l’agence. Leur contenu est essentiellement disciplinaire. Ils traitent avant tout des pouvoirs du conseil d’administration. Ils proposent des solutions pour encadrer l’action des dirigeants et contenir leurs éventuels abus de pouvoirs.
  2. Ils sont d’inspiration anglo-saxonne en raison de la culture de leurs promoteurs (les investisseurs américains et anglais). Le patronat français les a adoptés car il a vu une opportunité d’attirer des capitaux étrangers. A noter que l’auteur procède de manière assez originale à une analyse sémantique de ces codes.
  3. L’influence de ces codes est tout à fait considérable puisque la législation et les autorités boursières la reprennent largement à leur compte. La presse et les organismes professionnels comme l’IFA sont des vecteurs supplémentaires de cette influence.
  4. Or, la gouvernance d’une entreprise ne se réduit pas à l’organisation et la composition du conseil d’administration. Elle est en réalité un système complexe qui met en jeu un grand nombre de mécanismes complémentaires ou substituables. L’auteur présente d’ailleurs une typologie intéressante de ces mécanismes (spécifiques/ non spécifiques ; intentionnels / spontanés).
  5. Les études sur les liens entre gouvernance et valeur ne sont pas parvenues à des éléments vraiment conclusifs car :
    o Elles se focalisent sur des variables comme la composition des conseils mais elles négligent leur fonctionnement réel ;
    o Elles étudient l’impact d’un seul mécanisme dans tenir compte des effets de substitution ou de complémentarité ;
    o Elles se fondent sur les codes dont la représentation des processus de création de valeur est partielle (réduction des coûts d’agence).
  6. Les mécanismes disciplinaires ont un impact sur la destruction de valeur plus que sur sa création. Il s’agit de limiter les coûts d’agence et de gérer les conflits d’intérêts : la logique est celle d’éviter la destruction de valeur et de régler la répartition de la valeur crée. La contribution des codes à la création de valeur est donc limitée.
  7. Si l’on veut utiliser la gouvernance comme un vecteur de création de valeur, il faut élargir son champ. L’entreprise,
    « au delà d’un nœud de contrats établis entre acteurs aux intérêts divergents (est) un réceptacle de connaissances et de compétences particulières »
    La fonction de la direction d’une entreprise est de déceler les opportunités créatrices de valeur. De ce point de vue,
    «les membres du conseil d’administration sont susceptibles de contribuer à l’émergence des opportunités de création de valeur, soit de façon indirecte, par leurs questionnements critiques et constructifs, soit de façon plus directe, par l’apport de connaissance complémentaires à la vision du dirigeant. »
  8. L’auteur défend donc la thèse que la théorie disciplinaire et cognitive de la création de valeur sont complémentaires, qu’il est possible de les articuler. Les propositions sont donc de favoriser la compétence des administrateurs (au détriment de leur indépendance) et de se focaliser sur la dynamique de fonctionnement des conseils
  9. Il reconnait cependant que le système à mettre en place doit être fonction du degré de maturité de l’entreprise. Une société jeune aura probablement plus besoin d’un conseil d’administration ayant avant tout une approche cognitive que la société mûre, coté, dont les opportunités de croissance sont plus limitées et pour laquelle l’attention doit être davantage portée sur les risques d’agence.
  10. On ne peut qu’approuver Peter Wirtz lorsqu’il écrit que :
    « la meilleure des pratiques de gouvernance relève davantage d’un équilibre contingent que de l’application standardisée et routinière des codes de bonne conduite »

vendredi 29 février 2008

La notation de la gouvernance permet-elle de prévoir la performance des entreprises?

On en rêverait !

Bien sûr, une bonne gouvernance ne peut qu’être favorable aux actionnaires puisque, par définition, la gouvernance est l’ensemble des mécanismes qui leur permettent de s’assurer de la rentabilité de leur investissement. Malgré les mises en cause fréquentes de l’efficacité informationnelle du marché, les études montrent que généralement, les performances d’une firme sont assez bien corrélées avec la qualité de sa gouvernance. On peut toujours trouver des situations dans lesquelles une entreprise présente des performances remarquables malgré un système de gouvernance médiocre (par exemple le groupe Mittal ne se débrouille pas si mal malgré une gouvernance très fréquemment décriée), mais on peut aussi penser que ce type d’entreprise ne maximise pas sa valeur et qu’elle pourrait faire bien mieux si sa gouvernance était meilleure.

Sur la base des nombreuses études académiques qui ont été faites sur ce sujet, et stimulé par la mode de la gouvernance, plusieurs firmes se sont placées sur le marché de la notation de la gouvernance.

Benjamin Jullien consacre deux articles sur ce sujet dans les Echos du 29 février 2008 : « Noter la gouvernance pour mieux prévoir la performance » et « Une démarche balbutiante mais prometteuse » desquels il ressort que, certes des progrès restent à faire et l’efficacité de la démarche à démontrer, mais que le domaine est très prometteur.

Cette vision me semble un peu optimiste, et d’ailleurs un tableau présentant la France en 34ème position dans un classement de GMI met la puce à l’oreille. Même si l’on est très sceptique sur les progrès de la gouvernance en France (et je fais partie de cette catégorie) il ne faut quand même pas exagérer ! Quand on voit que la Russie est positionnée au 36ème rang, on est saisi par un certain doute quant à la méthodologie de ces organismes.

Il est incontestable que les agences de proxy/notation ont une grande utilité. Leur rôle dans les votes des investisseurs institutionnels est devenu essentiel. Sans eux, les investisseurs auraient bien du mal à exercer des responsabilités fiduciaires qui sont devenues dans certains pays obligatoires. Et compte tenu du nombre de votes à couvrir, il est évident qu’une approche mécanique doit être utilisée. Intermédiaire essentiel, ces agences sont devenues incontournables et donc très influentes à l’égard des investisseurs qui se reposent sur leurs recommandations et, par ricochet, auprès de milliers d’entreprises qui s’efforcent de mettre en œuvre les « bonnes » pratiques recommandées par ces agences. On trouvera une description excellente de ce phénomène dans une étude de Paul Rose intitulée « the corporate governance industry ».

Mais cette même étude montre les risques soulevés par ces agences :
  1. On peut avoir quelques doutes sur l’objectivité de la notation qu’elles produisent. Donnant des conseils de gouvernance aux entreprises qu’elles notent par ailleurs, le conflit d’intérêt est manifeste. C’est également ce que l’on a reproché aux agences de rating de crédit avant qu’elles ne renoncent à prodiguer des conseils aux entreprises qu’elles notent.
  2. Elles utilisent de multiples critères de gouvernance dont l’impact sur la performance n’a pas été prouvé de manière indubitable sur le plan scientifique. La recherche académique est très riche, mais les conclusions des centaines d’études qui ont été publiées sont souvent contradictoires. On ne sait pas vraiment quels sont les critères qui ont le plus d’influence sur la performance (voir « What matters in Corporate Governance » de Lucian Arye Bebchuk, Alma Cohen, et Allen Ferrell, September 2004, Harvard Law School John M. Olin Center Discussion Paper No. 491)
  3. Adopter une formule « one size fits all » est évidemment totalement inadapté. Chaque société doit trouver le bon système de gouvernance en fonction de son environnement, de sa maturité ou de sa culture. Les principes, l’affichage, l’information (le « comply or explain ») constituent des progrès, mais la pratique, les comportements sont plus importants. Par exemple, un administrateur non indépendant peut avoir plus de facilité pour critiquer le Président dont il est par ailleurs un ami proche qu’un administrateur indépendant timoré. Cette approche unique peut avoir des effets désastreux à la fois sur les entreprises qui doivent l’adopter sans nuance pour éviter les problèmes mais aussi sur les régulateurs qui vont avoir tendance à appliquer des recettes dans la réglementation (l’exemple de la loi Sarbanes Oxley est à cette égard révélatrice des déviances de ce raisonnement).
Ces critiques ont été corroborées par plusieurs études récentes :

  • Dans « Do Institutional Shareholders Services (ISS) Corporate Governance Ratings Reflect a Company's Operating Performance”, Ruth Epps, Sandra Cereola ne trouvent pas de lien statistique entre la performance des entreprises (mesurée par le Return on Assets et le Return on Equity ) qu’elles ont étudié et le rating de gouvernance d’ISS.
  • Dans "The Promise and Peril of Corporate Governance Indices", Sanjai Bhagat, Brian Bolton et Roberta Romano soutiennent qu’il n’y a aucune relation entre les indices de gouvernance utilisés dans les etudes académiques et les mesures de performance
    "There is no one “best” measure of corporate governance: the most effective
    governance institution appears to depend on context, and on firms' specific circumstances. It would therefore be difficult for an index, or any one variable, to capture critical nuances for making informed decisions. As a consequence, we conclude that governance indices are highly imperfect instruments for determining how to vote corporate proxies, let alone for portfolio investment decisions, and that investors and policymakers should exercise caution in attempting to draw inferences regarding a firm's quality or future stock market performance from its ranking on any particular corporate governance measure"

samedi 9 février 2008

L'encadrement normatif de la gouvernance

La troisième séance a pour thème l'encadrement normatif du gouvernement d'entreprise".
Il s'agit de l'ensemble des normes qui structure l'organisation des sociétés et la répartition des pouvoirs des différents organes de direction et de contrôle.

Les sources de ces normes sont multiples :

  1. Ce sont d'abord les lois et les règlements applicables aux différents types de sociétés. Le droit des sociétés en France fait l'objet d'une codification (le code de commerce) . Les entreprises cotés sont assujéties à une réglementation supplémentaire qui est largement reprise dans le Règlement Général de l'AMF. Tous les textes clés sont consultables sur le site de l'AMF.
  2. Dans certains pays comme les Etats-Unis, les entreprises de marché imposent des règles de gouvernance précises aux entreprises désirant se coter (voir les règles du NYSE par exemple).
  3. Les directives et règlements européens sont de plus en plus nombreux en matière de droit des affaires. L'ensemble des rapports et textes clés peut être consulté sur le site de la communauté européenne qui s'intéresse plus particulièrement aux sociétés cotées.
  4. Les sources professionnelles sont également nombreuses : partout il existe des codes de bonnes conduite (best practices) qui sont des recommandations adressées aux entreprises. C'est ce que l'on appelle la soft law. Tous les pays ont généralement adopté un ou plusieurs codes. Le document qui fait référence en France est le "code de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées"publié en décembre 2008. L'IFA a également publié un petit ouvrage sur la Gouvernance des sociétés cotées qui est une synthèse très pratique de l'ensemble des recommandations actuellement en vigueur (A lire absolument !!). Ces recommandations de place sont parfois intégrées dans la loi ou la jurisprudence (au minimum, elle influence les juges qui peuvent s'appuyer sur ces codes pour juger si telle ou telle action a été menée conformément à la pratique professionnelle). La firme Weil Gotshal réalise régulièrement une étude comparative des différents codes.
  5. Les investisseurs sont particulièrement actifs dans ce domaine : les actionnaires institutionnels (par exemple les principes de gouvernement d'entreprise de l'Association Française de la Gestion) et les firmes qui les conseillent sur leur politique de vote publient leur positions en la matière (voir celle qui a été adoptée à compter du 1er février 2010 par RiskMetrics Group, le numéro 1 mondial des sociétés de proxy). Elles sont naturellement très favorables aux pouvoirs et à la défense des actionnaires.
  6. Les organismes internationaux prennent aussi position : l'OCDE a publié un rapport important auquel il est fait très souvent référence:"les principes de gouvernement d'entreprise de l'OCDE". La Banque Mondiale ou la CNUCED on également publié de nombreux documents visant à expliquer aux Etats quels doivent être les principes de gouvernance à promouvoir dans leur législations.

Les problématiques :

- Comment les normes de gouvernance sont-elles produites ? Un remarquable article est consacré par Sophie Harnay à cette question et plus largement à ses conséquences sur notre système juridique : "L’évolution des modes de gouvernement d’entreprise européens : les apports de l’analyse économique du droit au débat sur la convergence".

- La convergence: quelle est la réalité d'un phénomène de convergence internationale des règles de gouvernance qui transcendrait les différences juridiques classique (systèmes de civil law et de common law). Un papier intéressant a été récemment publié sur ce sujet par Jennifer G. Hill. Il s'agit de la revue d'un ouvrage intitulé : "Convergence and Persistence in Corporate Governance" ouvrage sous la direction de Jeffrey N. Gordon et Mark J. Roe.

- Comment les normes sont-elles appliquées (ou que vaut le principe "comply or explain") ? On se reportera aux travaux d'Eddy Wymeersh, et notamment à son papier "Enforcement of corporate governance codes" paru en juin 2005.

- Un système de gouvernance est-il supérieur aux autres ?

- Quel est l'impact des cultures sur les systèmes de gouvernance ?


samedi 19 janvier 2008

Les premières sociétés par actions

La première société cotée fut la Dutch East India Company créée au début du 17ème siècle avec 1000 actionnaires et dissoute en 1800
French Mississippi Company (1720)
English South Sea Company (1720)
Les scandales financiers dont les deux dernières ont été l'objet ont durablement assimilé société par actions et spéculation.