L'objectif de ce blog

Ce blog est le support du séminaire Gouvernance Financière animé par Jean-Florent Rérolle à Sciences Po depuis l'année 2004-2005 (séminaire de printemps). Il est destiné avant tout aux étudiants inscrits au séminaire, mais il est aussi ouvert à tous ceux qui s'intéressent à cette matière qui est devenue une composante essentielle de la finance d'entreprise, en particulier aux étudiants qui n'auront pas pu s'inscrire et qui veulent avoir un aperçu de ce que nous allons traiter durant ce semestre. Le programme détaillé des séances peut être téléchargé ici.
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jeudi 31 décembre 2009

Préparation de la séance 12

La séance 12 est une séance de conclusion qui porte sur le thème gouvernance et valeur. Dans quelle mesure, la bonne gouvernance est-elle créatrice de valeur ? Permet-elle d'améliorer les performance de l'entreprise ?


Les lectures préparatoires de la séance sont les suivantes : 

- La valeur du Gouvernement d’Entreprise (Jean-Florent Rérolle), Option Finance du 15 mars 2004

- “Corporate governance and firm performance:Is there a relationship ?” de Beth Young, Ivey Journal, septembre-octobre 2003. qui passe en revue différentes études. La conclusion est sans appel :
The easy course may be simply to adopt a one-size-fits-all model, and there are features -such as independent board committees-that make sense across the board. But as the academic research shows, there is no governance "magic bullet," and no substitute for thoughtful, contextual analysis.



- Misère de la Corporate Governance de Didier Danet paru en 2008 dans la Revue Internationale de Droit Economique. Les étudiants de SciencesPo peuvent y accéder sur l'intranet de la Bibliothèque. S'attachant à la fonction structurante des règles de gouvernance (l'autre fonction d'une règle juridique étant de nature normative), l'auteur examine leur pertinence à l'aune de leur bien-fondé, de leur capacité à atteindre leurs buts et la pertinence des outils juridiques mis en oeuvre. De ce triple point de vue, son jugement est sans appel ...

- Deux articles sur l'efficacité informationnelle des marchés qui est un élément essentiel du débat sur la "shareholder value": "Efficience informationnelle versus finance comportementale : éléments pour un débat" d'André Orléan (2007) et Volatilité excessive ou économie réelle incertaine de Christian Walter publié à la page 107 du recueil d'opinions sur la volatilité du marché actions (publication de l'AFG).

dimanche 18 janvier 2009

Le débat sur la juste valeur : de l'illusion comptable au réalisme financier

L’opportunité de l'introduction de la juste valeur a toujours donné lieu à d’intenses débats en particulier pour leur application aux instruments financiers (voir l'excellent papier de Nicolas Veron sur le sujet, ou bien le position paper des professeurs de finance de l'Edhec).
La polémique a redoublé de violence depuis le début de la crise financière. Il est apparu que la conjonction du principe de juste valeur d’une part et de normes prudentielles bancaires s’appuyant sur la comptabilité d’autre part, pouvait avoir un effet pro-cyclique (voir la conférence organisée par la SFEV en partenariat avec le mastère Finance et Stratégie en septembre 2008 sur le thème "Valeur et Prix en période de crise").

Plusieurs dirigeants d’institutions bancaires ou d’assurance se sont empressés d’envoyer les normes comptables dans le box des accusés avec les agences de notation et les fonds alternatifs. Il faut dire qu’il est plus facile de critiquer le référentiel comptable que les normes prudentielles lorsque l’on est sous le joug des superviseurs bancaires.

Pourtant, de manière significative, le principe de juste valeur n’a pas subi les foudres des dirigeants du G20. La déclaration publiée à la suite du Sommet du 15 novembre 2008 reste silencieuse à leur endroit, même si les autorités comptables sont appelées à
« œuvrer à l'amélioration des lignes directrices pour la valorisation des titres en tenant compte de l'évaluation des produits complexes illiquides, en particulier en période de tension sur les marchés financiers ».
L’un des mérites de cette crise nous semble avoir été de clarifier le débat (à défaut d’avoir permis l’émergence de solutions totalement claires et opérationnelles !) sur deux points principaux qui marquent la fin d’une certaine utopie comptable et le retour à un réalisme financier :
  1. Conceptuellement, établir un bilan qui puisse ou même doive refléter de manière réaliste la valeur de marché des entreprises est une ambition démesurée. Le marché est trop complexe pour se laisser capturer dans un système comptable.
  2. La mise en œuvre d’une évaluation suppose une part importante de jugement. L’encadrement de ce processus par un référentiel comptable est dangereux. Les prescriptions imposées aux évaluateurs ont ainsi été logiquement et sagement assouplies.
J'ai écrit un article sur ces questions dans la Revue Trimestrielle de Droit Financier. Je résume ma position dans un message publié sur mon blog.

Les étudiants intéressés par cette question importante pourront également consulter avec profit le rapport Marteau sur les Normes comptables et la crise financière qui a été remis au ministre des Finances en octobre 2009. Ce document est très critique à l'égard de la juste valeur et souligne avec justesse la confusion habituellement faite entre juste valeur et valeur de marché. La seconde n'est que l'une des modalités de calcul de la première. Et si l'on remet en question l'hypothèse d'efficience des marchés (ce qui est une tendance assez fréquente par les temps qui courent !) il faut alors accepter des approches "marked to model" pour évaluer les actifs des entreprises ou des banques.

samedi 31 mai 2008

Capitalisme et morale

Quelques lectures autour du thème de la moralité du capitalisme et de la responsabilité sociale de l'entreprise :

- Le capitalisme est-il moral : conférence d'André Comte-Sponville le 28 mars 2000, et son livre fameux : Le capitalisme est-il moral, d'André Comte-Sponville

- Spéculations autour de l’OPA de la finance sur la stratégie de Jean-Philippe Denis, Revue Française de Gestion n° 183, 2008/3

- Sur fond de mondialisation, la responsabilité sociale de l'entreprise entre ombres et lumières, Philippe Auvergnon

- Corporate social responsibility, The Economist, Special Survey, Jan 17th 2008

mercredi 26 mars 2008

Les fairness opinions protègent-elles réellement les actionnaires ?

Le WSJ dans son édition du 25 mars 2008 est plutôt sceptique en consacrant un article aux deux fairness opinions qui ont été réalisées pour le compte du conseil d'administration de Bear Stearns par la même banque d'affaires, en l'occurence Lazard :
- Le 16 mars, l'offre de J.P. Morgan Chase & Co de $2 l'action était équitable pour les actionnaires de Bear Stearns
- 8 jours plus tard, une nouvelle offre de $10 était jugée tout aussi équitable ...

Critics of such "fairness opinion" letters, commonly used to justify prices for acquisitions of public companies, jumped on the first Lazard letter as evidence that such opinions give shareholders little protection against low-ball bids. Israel Shaked, a finance professor at the Boston University School of Management, says he believes "the opinion and process in general are nothing more than a rubber stamp on the transaction." Financial advisers such as Lazard, Mr. Shaked added, are motivated to encourage such sales because they are usually paid contingency fees based on their completions. In this case, Lazard not only issued a fairness opinion, it acted as Bear's main adviser.


Pour plus d'information sur ces pratiques, se reporter à mon blog ICI

vendredi 29 février 2008

La notation de la gouvernance permet-elle de prévoir la performance des entreprises?

On en rêverait !

Bien sûr, une bonne gouvernance ne peut qu’être favorable aux actionnaires puisque, par définition, la gouvernance est l’ensemble des mécanismes qui leur permettent de s’assurer de la rentabilité de leur investissement. Malgré les mises en cause fréquentes de l’efficacité informationnelle du marché, les études montrent que généralement, les performances d’une firme sont assez bien corrélées avec la qualité de sa gouvernance. On peut toujours trouver des situations dans lesquelles une entreprise présente des performances remarquables malgré un système de gouvernance médiocre (par exemple le groupe Mittal ne se débrouille pas si mal malgré une gouvernance très fréquemment décriée), mais on peut aussi penser que ce type d’entreprise ne maximise pas sa valeur et qu’elle pourrait faire bien mieux si sa gouvernance était meilleure.

Sur la base des nombreuses études académiques qui ont été faites sur ce sujet, et stimulé par la mode de la gouvernance, plusieurs firmes se sont placées sur le marché de la notation de la gouvernance.

Benjamin Jullien consacre deux articles sur ce sujet dans les Echos du 29 février 2008 : « Noter la gouvernance pour mieux prévoir la performance » et « Une démarche balbutiante mais prometteuse » desquels il ressort que, certes des progrès restent à faire et l’efficacité de la démarche à démontrer, mais que le domaine est très prometteur.

Cette vision me semble un peu optimiste, et d’ailleurs un tableau présentant la France en 34ème position dans un classement de GMI met la puce à l’oreille. Même si l’on est très sceptique sur les progrès de la gouvernance en France (et je fais partie de cette catégorie) il ne faut quand même pas exagérer ! Quand on voit que la Russie est positionnée au 36ème rang, on est saisi par un certain doute quant à la méthodologie de ces organismes.

Il est incontestable que les agences de proxy/notation ont une grande utilité. Leur rôle dans les votes des investisseurs institutionnels est devenu essentiel. Sans eux, les investisseurs auraient bien du mal à exercer des responsabilités fiduciaires qui sont devenues dans certains pays obligatoires. Et compte tenu du nombre de votes à couvrir, il est évident qu’une approche mécanique doit être utilisée. Intermédiaire essentiel, ces agences sont devenues incontournables et donc très influentes à l’égard des investisseurs qui se reposent sur leurs recommandations et, par ricochet, auprès de milliers d’entreprises qui s’efforcent de mettre en œuvre les « bonnes » pratiques recommandées par ces agences. On trouvera une description excellente de ce phénomène dans une étude de Paul Rose intitulée « the corporate governance industry ».

Mais cette même étude montre les risques soulevés par ces agences :
  1. On peut avoir quelques doutes sur l’objectivité de la notation qu’elles produisent. Donnant des conseils de gouvernance aux entreprises qu’elles notent par ailleurs, le conflit d’intérêt est manifeste. C’est également ce que l’on a reproché aux agences de rating de crédit avant qu’elles ne renoncent à prodiguer des conseils aux entreprises qu’elles notent.
  2. Elles utilisent de multiples critères de gouvernance dont l’impact sur la performance n’a pas été prouvé de manière indubitable sur le plan scientifique. La recherche académique est très riche, mais les conclusions des centaines d’études qui ont été publiées sont souvent contradictoires. On ne sait pas vraiment quels sont les critères qui ont le plus d’influence sur la performance (voir « What matters in Corporate Governance » de Lucian Arye Bebchuk, Alma Cohen, et Allen Ferrell, September 2004, Harvard Law School John M. Olin Center Discussion Paper No. 491)
  3. Adopter une formule « one size fits all » est évidemment totalement inadapté. Chaque société doit trouver le bon système de gouvernance en fonction de son environnement, de sa maturité ou de sa culture. Les principes, l’affichage, l’information (le « comply or explain ») constituent des progrès, mais la pratique, les comportements sont plus importants. Par exemple, un administrateur non indépendant peut avoir plus de facilité pour critiquer le Président dont il est par ailleurs un ami proche qu’un administrateur indépendant timoré. Cette approche unique peut avoir des effets désastreux à la fois sur les entreprises qui doivent l’adopter sans nuance pour éviter les problèmes mais aussi sur les régulateurs qui vont avoir tendance à appliquer des recettes dans la réglementation (l’exemple de la loi Sarbanes Oxley est à cette égard révélatrice des déviances de ce raisonnement).
Ces critiques ont été corroborées par plusieurs études récentes :

  • Dans « Do Institutional Shareholders Services (ISS) Corporate Governance Ratings Reflect a Company's Operating Performance”, Ruth Epps, Sandra Cereola ne trouvent pas de lien statistique entre la performance des entreprises (mesurée par le Return on Assets et le Return on Equity ) qu’elles ont étudié et le rating de gouvernance d’ISS.
  • Dans "The Promise and Peril of Corporate Governance Indices", Sanjai Bhagat, Brian Bolton et Roberta Romano soutiennent qu’il n’y a aucune relation entre les indices de gouvernance utilisés dans les etudes académiques et les mesures de performance
    "There is no one “best” measure of corporate governance: the most effective
    governance institution appears to depend on context, and on firms' specific circumstances. It would therefore be difficult for an index, or any one variable, to capture critical nuances for making informed decisions. As a consequence, we conclude that governance indices are highly imperfect instruments for determining how to vote corporate proxies, let alone for portfolio investment decisions, and that investors and policymakers should exercise caution in attempting to draw inferences regarding a firm's quality or future stock market performance from its ranking on any particular corporate governance measure"

dimanche 27 janvier 2008

Valeur et gouvernance

La séance 12 du 4 juin 2009 est une séance de synthèse consacrée à l'impact de la gouvernance sur la valeur de l'entreprise.
Il est indéniable que la gouvernance a un impact sur la valeur de l'entreprise. A performance économique identique, l'entreprise mal gouvernée est pénalisée par rapport à celle qui est bien gouvernée :
- des études académiques ou empiriques le démontrent
- les agences de rating et les analystes financiers tiennent compte de la qualité de la gouvernance dans leurs analyses
- l'existence de fonds d'investissement activistes en est une preuve supplémentaire.
Au cours de cette séance nous verrons plus particulièrement comment l'évaluateur d'une entreprise intègre cette dimension dans ses travaux (décotes sur la valeur intrinsèque). Nous verrons également comment les entreprises cotées doivent interagir avec les marchés financiers dans une démarche de marketing du titre.

samedi 19 janvier 2008

La théorie de l'agence

L'évolution du capitalisme est marquée par la domination des sociétés à capital dispersé. La séparation de la propriété du capital et la direction des entreprises a donné aux dirigeants un pouvoir discrétionnaire dont ils peuvent facilement abuser.

Cette situation a fait l'objet de nombreuses analyses qui méritent d'être rappelées car elles montrent que dès l'origine on avait conscience du conflit d'intérêt entre le dirigeant et l'actionnaire :

Adam Smith, The Wealth of Nations (1776)

The directors of such (joint-stock) companies, however, being the managers of other people's money rather than of their own, it cannot well be expected, that they should watch over it with the same anxious vigilance with which the partners in a private company frequently watch over their own. Like the stewards of a rich man, they are apt to consider attention to small matters as not for their master's honour and very easily give themselves a dispensation from having it. Negligence and profusion, therefore, must always prevail, more or less, in the management of the affairs of such a company.
Karl Marx, le capital livre troisième, 1864-1875

D'une manière générale, les sociétés par actions -qui se développent avec le système du crédit- tendent de plus en plus à séparer cette fonction administrative d'avec la possession du capital [...] à côté du véritable manager apparaît une foule de conseils d'administration et de direction pour qui l'administration et la direction ne sont, en fait, que prétextes à spolier les actionnaires et à amasser les richesses.
Adolph Berle et Gardiner Means, The Modern Corporation and Private Property (1932)

Quand le gros des profits est destiné à aller aux propriétaires qui sont des individus autres que ceux qui détiennent le contrôle, il est plus que probable que les intérêts de ces derniers divergeront de ceux qui ont la propriété et … le groupe détenant le contrôle [sera] en position de servir ses propres intérêts
Alfred Chandler, The Visible Hand, The Managerial Revolution in American Business (1977)

Ownership and management soon separated. The capital required to build a railroad was far more than that required to purchase a plantation, a textile mill, or even a fleet of ships. Therefore, a single entrepreneur, family, or small group of associates was rarely able to own a railroad. Nor could the many stockholders or their representatives manage it. The administrative tasks were too numerous, too varied, and too complex. They required special skills and training which could only be commanded by a full-time salaried manager. Only in the raising and allocating of capital, in the setting of financial policies, and in the selection of top managers did the owners or their representatives have a real say in railroad management.
La théorie de l'agence est apparue en 1972 avec les travaux d'Achian et Demsetz (Théorie des droits de propriété) et en 1976 avec ceux de Jensen et Meckling qui développent une conception contractuelle de la firme : celle-ci est un noeud de contrats qui ont pour but de coordonner l'action des individus et de régler les conflits d'objectifs ou d'intérêt qu'ils peuvent avoir entre eux.


Entre les dirigeants et les actionnaires s'établit une relation d'agence : le manager (le mandataire ou l'agent) est chargé d'investir les ressources de l'actionnaire (le mandant) et de dégager une rentabilité appropriée sur ces fonds. Ils passent un contrat qui prévoit l'utilisation de ces fonds et le partage des profits. Le problème est que ce contrat ne peut pas prévoir l'ensemble des situations futures. Il sera forcément incomplet. Le mandant et le mandataire doivent se mettre d'accord sur l'allocation de ce que l'on appelle les droits de contrôle résiduel.

Ces droits ne peuvent être attribués aux actionnaires pour des raisons pratiques : les managers se retrouvent avec des droits de contrôle résiduel très importants dont ils pourraient profiter au détriment des actionnaires. Le problème de la gouvernance est de mettre en place un système de contrôle qui permette de limiter ou d'encadrer cette latitude managériale afin de réduire les risques des actionnaires. C'est d'ailleurs aussi l'intérêt des dirigeants car, en acceptant des contraintes sur ces droits résiduels, ils parviendront à convaincre plus facilement d'autres actionnaires de leur apporter des ressources supplémentaires.

Quelques papiers à lire pour approfondir le thème :

On a déjà cité l'excellente étude de Gérard Charreaux sur l'ensemble des travaux de Jensen : "Michael Jensen : la théorie positive de l’agence et ses applications à l’architecture et à la gouvernance des organisations";

Dans "Value maximization, stakeholder theory and the corporate objective function", Michael Jensen défend avec force l'idée que les managers ne doivent avoir qu'un seul objectif, la maximisation de la valeur et soutient que la promotion de la stakeholder theory ne peut qu'entraîner la confusion et l'inefficacité car à avoir plusieurs maîtres, on finit par ne plus en avoir réellement.

Dans "The modern industrial revolution, exit and the failure of internal control system", Michael Jensen montre comment la gouvernance d'entreprise a modifié l'économie américaine au cours des années 80, et comment le marché du contrôle des entreprises (les fusions acquisitions) est venu supplanter les déficiences du contrôle interne.