L'objectif de ce blog

Ce blog est le support du séminaire Gouvernance Financière animé par Jean-Florent Rérolle à Sciences Po depuis l'année 2004-2005 (séminaire de printemps). Il est destiné avant tout aux étudiants inscrits au séminaire, mais il est aussi ouvert à tous ceux qui s'intéressent à cette matière qui est devenue une composante essentielle de la finance d'entreprise, en particulier aux étudiants qui n'auront pas pu s'inscrire et qui veulent avoir un aperçu de ce que nous allons traiter durant ce semestre. Le programme détaillé des séances peut être téléchargé ici.
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jeudi 31 décembre 2009

Préparation de la séance 1

La séance 1 est consacrée à la définition de ce que l'on entend par gouvernance financière et à une présentation générale des problématiques qu'elle soulève.

Le thème de la Gouvernance est très vaste. Il sera difficile d'en approfondir tous les aspects durant le séminaire. Nous n'avons que 24 heures de cours. Près de la moitié sera mobilisée par des échanges avec nos invités. Il est donc essentiel que les étudiants effectuent un travail personnel sérieux de préparation des séances.

Pour la première séance, les étudiants sont invités à lire les deux documents suivants :
  • "Recent developments in corporate governance : an overview" de Stuart Gillan, publié en 2006 dans le Journal of Corporate Finance. Cet article couvre de manière résumée tous les concepts et problématiques que nous traiterons durant le séminaire. A noter la figure 3 "corporate governance : a broad framework" qui est une présentation synthétique des différents mécanismes de la gouvernance.

Pour un exemple de dysfonctionnement grave de la gouvernance vous pourrez lire (facultatif) : Palepu, Krishna and Healy, Paul M., "The Fall of Enron" (2003). Journal of Economic Perspectives, Vol. 17, No. 2, Spring 2003

dimanche 1 février 2009

Définitions du gouvernement d'entreprise

Les définitions du gouvernement d'entreprise sont nombreuses. En voici quelques unes :

Rapport Cadbury : "la corporate governance est le système par lequel les sociétés sont dirigées et contrôlées".

Le cercle des Economistes : "Il s’agit des moyens mis en oeuvre pour s’assurer que les décisions de l’entreprise, ses actifs et les comportements de ses dirigeants et salariés vont bien dans le sens des objectifs de l’entreprise, tels qu’ils ont été définis par les actionnaires"

OCDE :"Corporate governance is the system by which business corporations are directed and controlled. The corporate governance structure specifies the distribution of rights and responsibilities among different participants in the corporation, such as, the board, managers, shareholders and other stakeholders, and spells out the rules and procedures for making decisions on corporate affairs. By doing this, it also provides the structure through which the company objectives are set, and the means of attaining those objectives and monitoring performance"

Gérard Charreaux : "le gouvernement des entreprises recouvre l'ensemble des mécanismes
organisationnels qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d'influencer les décisions des
dirigeants, autrement dit, qui "gouvernent" leur espace discrétionnaire"

Mathiesen: "Corporate governance is a field in economics that investigates how to secure/motivate efficient management of corporations by the use of incentive mechanisms, such as contracts, organizational designs and legislation. This is often limited to the question of improving financial performance, for example, how the corporate owners can secure/motivate that the corporate managers will deliver a competitive rate of return"

Shleifer et Vishny : ensemble des mécanismes qui garantissent aux différents bailleurs de fonds un retour sur investissement, en évitant une appropriation de valeur excessive par le dirigeant et les actionnaires dominants. La corporate governance porte "sur les moyens par lesquels les fournisseurs de capitaux de l'entreprise peuvent s'assurer de la rentabilité de leur investissement"

Olivier Pastré: "ensemble des règles de fonctionnement et de contrôle qui régissent, dans un cadre historique et géographique donné, la vie des entreprises"

ICGN : le gouvernement d'entreprise recouvre à la fois la structure et les procédures de direction d'une entreprise qui visent à atteindre les deux objectifs dont sont en charge les administrateurs et les dirigeants à savoir assurer la viabilité opérationnelle de l'entreprise et accroitre sa valeur à long terme pour ses actionnaires.

Ma définition : "le gouvernement d'entreprise est l'ensemble des mécanismes formels et informels qui encadrent le processus de création et de répartition de la valeur de l'entreprise".

mardi 16 décembre 2008

Suivez l'actualité de la Gouvernance

Voici deux sites qui vous permettront de suivre l'actualité de la gouvernance :

Le dashboard d'Arengi qui est très complet et très bien fait. Proposé par une société de conseil spécialisé en gestion du risque

Autre site remarquable : le Harvard Law School forum on Corporate Governance and Financial Regulation. Pratiquement chaque jour, un papier de travail ou une alerte d'un cabinet d'avocat y est publié. On peut aussi s'abonner aux tweets de Lucian Bebchuck pour être sûr de ne pas manquer quelque chose d'important !





samedi 19 janvier 2008

La théorie de l'agence

L'évolution du capitalisme est marquée par la domination des sociétés à capital dispersé. La séparation de la propriété du capital et la direction des entreprises a donné aux dirigeants un pouvoir discrétionnaire dont ils peuvent facilement abuser.

Cette situation a fait l'objet de nombreuses analyses qui méritent d'être rappelées car elles montrent que dès l'origine on avait conscience du conflit d'intérêt entre le dirigeant et l'actionnaire :

Adam Smith, The Wealth of Nations (1776)

The directors of such (joint-stock) companies, however, being the managers of other people's money rather than of their own, it cannot well be expected, that they should watch over it with the same anxious vigilance with which the partners in a private company frequently watch over their own. Like the stewards of a rich man, they are apt to consider attention to small matters as not for their master's honour and very easily give themselves a dispensation from having it. Negligence and profusion, therefore, must always prevail, more or less, in the management of the affairs of such a company.
Karl Marx, le capital livre troisième, 1864-1875

D'une manière générale, les sociétés par actions -qui se développent avec le système du crédit- tendent de plus en plus à séparer cette fonction administrative d'avec la possession du capital [...] à côté du véritable manager apparaît une foule de conseils d'administration et de direction pour qui l'administration et la direction ne sont, en fait, que prétextes à spolier les actionnaires et à amasser les richesses.
Adolph Berle et Gardiner Means, The Modern Corporation and Private Property (1932)

Quand le gros des profits est destiné à aller aux propriétaires qui sont des individus autres que ceux qui détiennent le contrôle, il est plus que probable que les intérêts de ces derniers divergeront de ceux qui ont la propriété et … le groupe détenant le contrôle [sera] en position de servir ses propres intérêts
Alfred Chandler, The Visible Hand, The Managerial Revolution in American Business (1977)

Ownership and management soon separated. The capital required to build a railroad was far more than that required to purchase a plantation, a textile mill, or even a fleet of ships. Therefore, a single entrepreneur, family, or small group of associates was rarely able to own a railroad. Nor could the many stockholders or their representatives manage it. The administrative tasks were too numerous, too varied, and too complex. They required special skills and training which could only be commanded by a full-time salaried manager. Only in the raising and allocating of capital, in the setting of financial policies, and in the selection of top managers did the owners or their representatives have a real say in railroad management.
La théorie de l'agence est apparue en 1972 avec les travaux d'Achian et Demsetz (Théorie des droits de propriété) et en 1976 avec ceux de Jensen et Meckling qui développent une conception contractuelle de la firme : celle-ci est un noeud de contrats qui ont pour but de coordonner l'action des individus et de régler les conflits d'objectifs ou d'intérêt qu'ils peuvent avoir entre eux.


Entre les dirigeants et les actionnaires s'établit une relation d'agence : le manager (le mandataire ou l'agent) est chargé d'investir les ressources de l'actionnaire (le mandant) et de dégager une rentabilité appropriée sur ces fonds. Ils passent un contrat qui prévoit l'utilisation de ces fonds et le partage des profits. Le problème est que ce contrat ne peut pas prévoir l'ensemble des situations futures. Il sera forcément incomplet. Le mandant et le mandataire doivent se mettre d'accord sur l'allocation de ce que l'on appelle les droits de contrôle résiduel.

Ces droits ne peuvent être attribués aux actionnaires pour des raisons pratiques : les managers se retrouvent avec des droits de contrôle résiduel très importants dont ils pourraient profiter au détriment des actionnaires. Le problème de la gouvernance est de mettre en place un système de contrôle qui permette de limiter ou d'encadrer cette latitude managériale afin de réduire les risques des actionnaires. C'est d'ailleurs aussi l'intérêt des dirigeants car, en acceptant des contraintes sur ces droits résiduels, ils parviendront à convaincre plus facilement d'autres actionnaires de leur apporter des ressources supplémentaires.

Quelques papiers à lire pour approfondir le thème :

On a déjà cité l'excellente étude de Gérard Charreaux sur l'ensemble des travaux de Jensen : "Michael Jensen : la théorie positive de l’agence et ses applications à l’architecture et à la gouvernance des organisations";

Dans "Value maximization, stakeholder theory and the corporate objective function", Michael Jensen défend avec force l'idée que les managers ne doivent avoir qu'un seul objectif, la maximisation de la valeur et soutient que la promotion de la stakeholder theory ne peut qu'entraîner la confusion et l'inefficacité car à avoir plusieurs maîtres, on finit par ne plus en avoir réellement.

Dans "The modern industrial revolution, exit and the failure of internal control system", Michael Jensen montre comment la gouvernance d'entreprise a modifié l'économie américaine au cours des années 80, et comment le marché du contrôle des entreprises (les fusions acquisitions) est venu supplanter les déficiences du contrôle interne.

Les premières sociétés par actions

La première société cotée fut la Dutch East India Company créée au début du 17ème siècle avec 1000 actionnaires et dissoute en 1800
French Mississippi Company (1720)
English South Sea Company (1720)
Les scandales financiers dont les deux dernières ont été l'objet ont durablement assimilé société par actions et spéculation.

dimanche 13 janvier 2008

Le contenu du séminaire

La vision dominante de la gouvernance d’entreprise est définie par Andrei Schleifer et Robert Vishny :


"Corporate governance deals with the ways in which suppliers of finance to corporations assure themselves of getting a return on their investment".
La définition que je vous propose d'adopter est sensiblement identique, mais elle précise les attentes (les obligations ) des investisseurs (des managers) :

La gouvernance financière est l'ensemble des procédures et mécanismes qui encadrent les décisions de création de valeur, de gestion des risques et de stratégie financière de la firme afin de maximiser la valeur actionnariale. Le sujet est donc très financier.
A la suite des scandales qui ont mis en lumière les dysfonctionnements des conseils d’administration et sous la pression des régulateurs et du marché financier, les entreprises ont été contraintes de réviser profondément leurs systèmes de direction et de contrôle. Cette révolution a donné naissance à une véritable réinterprétation de la théorie financière moderne. La compréhension de la gouvernance et de ses enjeux devient incontournable dans l’analyse financière ou stratégique d’une entreprise.

Révélateur de cette tendance, Jean Tirole consacre le premier chapitre de son dernier ouvrage "The theory of corporate finance" à la "Corporate Governance". Il s'agit là d'un texte remarquable qui pourra vous servir de référence tout au long du séminaire. Jean Tirole est peu connu du grand public, mais il est considéré comme l'un des économistes français susceptible un jour d'être un prix Nobel. Il a reçu en septembre 2007 la médaille d’or du CNRS qui est la plus haute distinction scientifique française.

Autre papier significatif, mais qui nécessite une culture financière pour comprendre certaines allusions de l'auteur : "Corporate Governance and the reinvention of finance". Ecrit par Stuart Greenbaum, cette présentation faite à l'occasion d'une réunion du Financial Intermediation Research Society en Chine est très intéressante car elle montre comment le débat sur la gouvernance des entreprise s'est emparé de la recherche financière et à conduit à une réinterprétation de la finance moderne.

Enfin, la crise financière que nous venons de connaître (on notera l'utilisation du passé : je suis peut être un peu optimiste !) a mis en lumière les dysfonctionnements des systèmes de gouvernance, notamment ceux des banques. Les accusations sont très directes : la mauvaise gouvernance est un des facteurs explicatifs de la crise. On se reportera aux différentes études qui ont été faites sur le sujet (voir par exemple le rapport de l'OCDE "Corporate governance and the financial crisis : key findings and main messages" de juin 2009) .

Le cours se propose donc de fournir les outils théoriques et pratiques qui permettront aux étudiants de mieux comprendre ce système et ses interactions avec les décisions de l’entreprise. L’approche sera résolument :
1. Pluridisciplinaire, car la matière se situe à l’intersection du droit, de la finance, des sciences comportementales et organisationnelles ; la dimension financière sera néanmoins privilégiée ;
2. Internationale, en donnant des points de comparaison avec les systèmes américains, anglo-saxons et allemands ;
3. Pratique, en faisant largement appel aux témoignages et à l’expérience des différents acteurs de la gouvernance.