L'objectif de ce blog

Ce blog est le support du séminaire Gouvernance Financière animé par Jean-Florent Rérolle à Sciences Po depuis l'année 2004-2005 (séminaire de printemps). Il est destiné avant tout aux étudiants inscrits au séminaire, mais il est aussi ouvert à tous ceux qui s'intéressent à cette matière qui est devenue une composante essentielle de la finance d'entreprise, en particulier aux étudiants qui n'auront pas pu s'inscrire et qui veulent avoir un aperçu de ce que nous allons traiter durant ce semestre. Le programme détaillé des séances peut être téléchargé ici.
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samedi 12 février 2011

le risque actionnarial doit être au centre des préoccupations des conseils d'administration

Le risque actionnarial défini comme l’éventualité d’un décrochage important, brutal et inattendu du cours de bourse d’une entreprise cotée est :
  1. un risque fréquent : au cours des 3 dernières années (2008-2010), 45% des 300 plus grandes entreprises françaises ont connu une chute de leurs cours par rapport à l’indice de plus de 20% sur une période d’un mois calendaire 
  2. un risque économique majeur : La chute du cours de bourse va en effet peser sur la croissance anticipée de l’entreprise : elle réduit les possibilités de financement des opportunités de croissance futures (qui étaient contenues dans l’appréciation de la valeur de marché antérieure à la chute) ; elle démotive les managers rémunérés en fonction des performances actionnariales ; elle déséquilibre la structure financière exprimée en valeur de marché, et dans certains cas, précipite l’entreprise dans une situation de détresse financière (rupture des covenants bancaires); en accroissant la vulnérabilité stratégique de l’entreprise, elle peut augmenter la volatilité des flux de liquidités futurs et le coût du capital.
  3. un risque de gouvernance : apparition d’investisseurs activistes, coûts engagés pour se défendre et rétablir sa réputation, relations avec le marché plus compliquées, survenance de désaccords au sein du conseil sur la conduite à tenir en cas d’offre hostile sur le capital, distraction du management au détriment de la gestion opérationnelle, etc.
  4. un risque autonome : contrairement à ce que disent les approches de risk management ou de contrôle interne, la valeur n’est pas uniquement la résultante d’une bonne stratégie de gestion des risques. Un décrochage important du cours de bourse n’est pas sans conséquence sur la valeur fondamentale de l’entreprise. Il existe une boucle de rétroaction qui n’est généralement pas perçu par les directions générales
  5. un risque durable :  la déconnection du cours par rapport à l’indice ne se réduit que très lentement au cours du temps. Dans l’étude précitée de Ernst & Young, on s’apercevait qu’au bout d’un an, l’écart ne s’était réduit que de 50%. Il faut dire que lorsque l’entreprise pâtit de la méfiance du public, il est très difficile de rectifier la tendance. Selon le dernier Edelman Trust Barometer 2011, 57% des personnes interrogées vont croire une information négative entendue une ou deux fois à propos d’une entreprise dont elles se méfient. 15 % seulement croiront une information positive à l’égard de cette même entreprise. Ces chiffres contrastent avec les résultats obtenus pour une entreprise en laquelle elles ont confiance : 25% vont croire une information négative  et 51 % une information positive.
  6. un risque qui est avant tout du ressort du conseil d’administration dont le rôle est de s’assurer que l’entreprise saura satisfaire les attentes des investisseurs. Les administrateurs doivent comprendre d’où vient la valeur créée par l’entreprise et vérifier que le marché évalue correctement les perspectives de génération de cash flow. Il leur appartient de vérifier que le management a mis en place un véritable marketing du titre

Pour plus d’informations sur le risque actionnarial, voir mon post sur www.rerolle.eu

jeudi 31 décembre 2009

Préparation de la séance 12

La séance 12 est une séance de conclusion qui porte sur le thème gouvernance et valeur. Dans quelle mesure, la bonne gouvernance est-elle créatrice de valeur ? Permet-elle d'améliorer les performance de l'entreprise ?


Les lectures préparatoires de la séance sont les suivantes : 

- La valeur du Gouvernement d’Entreprise (Jean-Florent Rérolle), Option Finance du 15 mars 2004

- “Corporate governance and firm performance:Is there a relationship ?” de Beth Young, Ivey Journal, septembre-octobre 2003. qui passe en revue différentes études. La conclusion est sans appel :
The easy course may be simply to adopt a one-size-fits-all model, and there are features -such as independent board committees-that make sense across the board. But as the academic research shows, there is no governance "magic bullet," and no substitute for thoughtful, contextual analysis.



- Misère de la Corporate Governance de Didier Danet paru en 2008 dans la Revue Internationale de Droit Economique. Les étudiants de SciencesPo peuvent y accéder sur l'intranet de la Bibliothèque. S'attachant à la fonction structurante des règles de gouvernance (l'autre fonction d'une règle juridique étant de nature normative), l'auteur examine leur pertinence à l'aune de leur bien-fondé, de leur capacité à atteindre leurs buts et la pertinence des outils juridiques mis en oeuvre. De ce triple point de vue, son jugement est sans appel ...

- Deux articles sur l'efficacité informationnelle des marchés qui est un élément essentiel du débat sur la "shareholder value": "Efficience informationnelle versus finance comportementale : éléments pour un débat" d'André Orléan (2007) et Volatilité excessive ou économie réelle incertaine de Christian Walter publié à la page 107 du recueil d'opinions sur la volatilité du marché actions (publication de l'AFG).

samedi 31 mai 2008

Capitalisme et morale

Quelques lectures autour du thème de la moralité du capitalisme et de la responsabilité sociale de l'entreprise :

- Le capitalisme est-il moral : conférence d'André Comte-Sponville le 28 mars 2000, et son livre fameux : Le capitalisme est-il moral, d'André Comte-Sponville

- Spéculations autour de l’OPA de la finance sur la stratégie de Jean-Philippe Denis, Revue Française de Gestion n° 183, 2008/3

- Sur fond de mondialisation, la responsabilité sociale de l'entreprise entre ombres et lumières, Philippe Auvergnon

- Corporate social responsibility, The Economist, Special Survey, Jan 17th 2008

mercredi 26 mars 2008

Les fairness opinions protègent-elles réellement les actionnaires ?

Le WSJ dans son édition du 25 mars 2008 est plutôt sceptique en consacrant un article aux deux fairness opinions qui ont été réalisées pour le compte du conseil d'administration de Bear Stearns par la même banque d'affaires, en l'occurence Lazard :
- Le 16 mars, l'offre de J.P. Morgan Chase & Co de $2 l'action était équitable pour les actionnaires de Bear Stearns
- 8 jours plus tard, une nouvelle offre de $10 était jugée tout aussi équitable ...

Critics of such "fairness opinion" letters, commonly used to justify prices for acquisitions of public companies, jumped on the first Lazard letter as evidence that such opinions give shareholders little protection against low-ball bids. Israel Shaked, a finance professor at the Boston University School of Management, says he believes "the opinion and process in general are nothing more than a rubber stamp on the transaction." Financial advisers such as Lazard, Mr. Shaked added, are motivated to encourage such sales because they are usually paid contingency fees based on their completions. In this case, Lazard not only issued a fairness opinion, it acted as Bear's main adviser.


Pour plus d'information sur ces pratiques, se reporter à mon blog ICI

vendredi 29 février 2008

La notation de la gouvernance permet-elle de prévoir la performance des entreprises?

On en rêverait !

Bien sûr, une bonne gouvernance ne peut qu’être favorable aux actionnaires puisque, par définition, la gouvernance est l’ensemble des mécanismes qui leur permettent de s’assurer de la rentabilité de leur investissement. Malgré les mises en cause fréquentes de l’efficacité informationnelle du marché, les études montrent que généralement, les performances d’une firme sont assez bien corrélées avec la qualité de sa gouvernance. On peut toujours trouver des situations dans lesquelles une entreprise présente des performances remarquables malgré un système de gouvernance médiocre (par exemple le groupe Mittal ne se débrouille pas si mal malgré une gouvernance très fréquemment décriée), mais on peut aussi penser que ce type d’entreprise ne maximise pas sa valeur et qu’elle pourrait faire bien mieux si sa gouvernance était meilleure.

Sur la base des nombreuses études académiques qui ont été faites sur ce sujet, et stimulé par la mode de la gouvernance, plusieurs firmes se sont placées sur le marché de la notation de la gouvernance.

Benjamin Jullien consacre deux articles sur ce sujet dans les Echos du 29 février 2008 : « Noter la gouvernance pour mieux prévoir la performance » et « Une démarche balbutiante mais prometteuse » desquels il ressort que, certes des progrès restent à faire et l’efficacité de la démarche à démontrer, mais que le domaine est très prometteur.

Cette vision me semble un peu optimiste, et d’ailleurs un tableau présentant la France en 34ème position dans un classement de GMI met la puce à l’oreille. Même si l’on est très sceptique sur les progrès de la gouvernance en France (et je fais partie de cette catégorie) il ne faut quand même pas exagérer ! Quand on voit que la Russie est positionnée au 36ème rang, on est saisi par un certain doute quant à la méthodologie de ces organismes.

Il est incontestable que les agences de proxy/notation ont une grande utilité. Leur rôle dans les votes des investisseurs institutionnels est devenu essentiel. Sans eux, les investisseurs auraient bien du mal à exercer des responsabilités fiduciaires qui sont devenues dans certains pays obligatoires. Et compte tenu du nombre de votes à couvrir, il est évident qu’une approche mécanique doit être utilisée. Intermédiaire essentiel, ces agences sont devenues incontournables et donc très influentes à l’égard des investisseurs qui se reposent sur leurs recommandations et, par ricochet, auprès de milliers d’entreprises qui s’efforcent de mettre en œuvre les « bonnes » pratiques recommandées par ces agences. On trouvera une description excellente de ce phénomène dans une étude de Paul Rose intitulée « the corporate governance industry ».

Mais cette même étude montre les risques soulevés par ces agences :
  1. On peut avoir quelques doutes sur l’objectivité de la notation qu’elles produisent. Donnant des conseils de gouvernance aux entreprises qu’elles notent par ailleurs, le conflit d’intérêt est manifeste. C’est également ce que l’on a reproché aux agences de rating de crédit avant qu’elles ne renoncent à prodiguer des conseils aux entreprises qu’elles notent.
  2. Elles utilisent de multiples critères de gouvernance dont l’impact sur la performance n’a pas été prouvé de manière indubitable sur le plan scientifique. La recherche académique est très riche, mais les conclusions des centaines d’études qui ont été publiées sont souvent contradictoires. On ne sait pas vraiment quels sont les critères qui ont le plus d’influence sur la performance (voir « What matters in Corporate Governance » de Lucian Arye Bebchuk, Alma Cohen, et Allen Ferrell, September 2004, Harvard Law School John M. Olin Center Discussion Paper No. 491)
  3. Adopter une formule « one size fits all » est évidemment totalement inadapté. Chaque société doit trouver le bon système de gouvernance en fonction de son environnement, de sa maturité ou de sa culture. Les principes, l’affichage, l’information (le « comply or explain ») constituent des progrès, mais la pratique, les comportements sont plus importants. Par exemple, un administrateur non indépendant peut avoir plus de facilité pour critiquer le Président dont il est par ailleurs un ami proche qu’un administrateur indépendant timoré. Cette approche unique peut avoir des effets désastreux à la fois sur les entreprises qui doivent l’adopter sans nuance pour éviter les problèmes mais aussi sur les régulateurs qui vont avoir tendance à appliquer des recettes dans la réglementation (l’exemple de la loi Sarbanes Oxley est à cette égard révélatrice des déviances de ce raisonnement).
Ces critiques ont été corroborées par plusieurs études récentes :

  • Dans « Do Institutional Shareholders Services (ISS) Corporate Governance Ratings Reflect a Company's Operating Performance”, Ruth Epps, Sandra Cereola ne trouvent pas de lien statistique entre la performance des entreprises (mesurée par le Return on Assets et le Return on Equity ) qu’elles ont étudié et le rating de gouvernance d’ISS.
  • Dans "The Promise and Peril of Corporate Governance Indices", Sanjai Bhagat, Brian Bolton et Roberta Romano soutiennent qu’il n’y a aucune relation entre les indices de gouvernance utilisés dans les etudes académiques et les mesures de performance
    "There is no one “best” measure of corporate governance: the most effective
    governance institution appears to depend on context, and on firms' specific circumstances. It would therefore be difficult for an index, or any one variable, to capture critical nuances for making informed decisions. As a consequence, we conclude that governance indices are highly imperfect instruments for determining how to vote corporate proxies, let alone for portfolio investment decisions, and that investors and policymakers should exercise caution in attempting to draw inferences regarding a firm's quality or future stock market performance from its ranking on any particular corporate governance measure"

dimanche 27 janvier 2008

Valeur et gouvernance

La séance 12 du 4 juin 2009 est une séance de synthèse consacrée à l'impact de la gouvernance sur la valeur de l'entreprise.
Il est indéniable que la gouvernance a un impact sur la valeur de l'entreprise. A performance économique identique, l'entreprise mal gouvernée est pénalisée par rapport à celle qui est bien gouvernée :
- des études académiques ou empiriques le démontrent
- les agences de rating et les analystes financiers tiennent compte de la qualité de la gouvernance dans leurs analyses
- l'existence de fonds d'investissement activistes en est une preuve supplémentaire.
Au cours de cette séance nous verrons plus particulièrement comment l'évaluateur d'une entreprise intègre cette dimension dans ses travaux (décotes sur la valeur intrinsèque). Nous verrons également comment les entreprises cotées doivent interagir avec les marchés financiers dans une démarche de marketing du titre.