L'objectif de ce blog

Ce blog est le support du séminaire Gouvernance Financière animé par Jean-Florent Rérolle à Sciences Po depuis l'année 2004-2005 (séminaire de printemps). Il est destiné avant tout aux étudiants inscrits au séminaire, mais il est aussi ouvert à tous ceux qui s'intéressent à cette matière qui est devenue une composante essentielle de la finance d'entreprise, en particulier aux étudiants qui n'auront pas pu s'inscrire et qui veulent avoir un aperçu de ce que nous allons traiter durant ce semestre. Le programme détaillé des séances peut être téléchargé ici.

mardi 10 avril 2012

Alain Marcheteau est l'invité de la séance 11

Alain Marcheteau est l'invité de notre séance 11 consacrée à la gouvernance des entreprises publiques qui aura lieu le 11 avril 2012. Sur la base de son expérience dans plusieurs grandes entreprises publiques, il nous décrira la transformation progressive de l'Etat-Tutelle en Etat-Actionnaire.

Diplômé de SciencesPo et titulaire d'une licence en Droit, Alain est affecté au Ministère des Transports à sa sortie de l'ENA en 1971, puis à la Direction du Trésor. En 1981, il rejoint Air France où il sera successivement Trésorier, Directeur Financier puis Directeur Général Adjoint (Finances et Filiales). De 1991 à 1998, il est Directeur financier de la Compagnie de Suez, puis Président de plusieurs filiales de crédit bail immobilier du Groupe. De 1999 à 2009, il occupe successivement les fonctions de Directeur Général Adjoint (Finance) et Secrétaire Général et membre du comité exécutif du Groupe SNECMA (devenu Safran à la suite de sa fusion avec Sagem). Aujourd'hui Président d'AM Consult, il est administrateur indépendant de Sodexo et de Daher (cette dernière ayant comme actionnaire le Fonds Stratégique d'Investissement).

Il faut ajouter qu'Alain Marcheteau est le leader d'un Jazz Band très talentueux !!

lundi 12 mars 2012

Quelques leçons sur la catastrophe de la Société Générale

La fraude massive découverte le vendredi 18 janvier par la Société Générale et qui a entraîné une perte de près de 5 milliards d'Euros soulève des questions importantes du point de vue de la gouvernance.
  1. Elle rappelle que les procédures de contrôle interne sont essentielles pour préserver la valeur actionnariale. Dans sa lettre à ses actionnaires, M. Bouton parle de quelques "interstices" dans lesquels le trader apparemment responsable de la fraude s'est egouffré. (sur un mode impertinent, on peut se demander quel aurait été le montant des pertes si ces interstices avaient été de vraies déficiences de contrôle ...!). Le paradoxe, est que la Société Générale avait la réputation d'être une banque assez agressive commercialement, mais également un modèle en matière gouvernance d'entreprise et de contrôle des risques. Parce qu'elle est une banque, elle fait l'objet de contrôles spécifiques de la part des autorités de régulation (Commission bancaire et AMF notamment). Elle a mis en place un système de contrôle interne qui fait l'objet d'une description détaillée dans un rapport annuel du Président que l'on peut trouver sur le site de la société (de la page 89 à 98 du document de référence). On note qu'il y a plus de 2000 personnes qui sont dédiées à "la maîtrise et au contrôle permanent des risques".
  2. Le cours de bourse a bien entendu été affecté par cette nouvelle. Le jeudi 24, jour de l'annonce de la fraude, le cours a perdu 4,14% et le lendemain 2,56%. Sur la semaine du 21-25 janvier, la valeur de l'action est tombée de 13,44 %. Une bonne partie de cette baisse est bien sûr imputable au lundi noir qu'ont connu les places financières mondiales. Au total, le titre de la Société Générale a perdu 44,4% depuis 1 an, et 25,3% depuis le 1er janvier 2008.
  3. Cette situation doit être aussi rapprochée de la problématique des bonus des banques d'affaires qui peuvent inciter les individus à prendre des risques inconsidérés. Le lecteur est invité à se reporter à mon post "la dangerosité des bonus des banquiers d'affaires".
  4. Le comportement du trader est aussi une bonne illustration de quelques biais psychologiques qui ont été identifiés par les spécialistes de la psychologie des comportements en situation d'incertitude (Daniel Kahneman et Amos Tversky en particulier) et dont le mariage avec la théorie financière (en particulier l'approche des "noise traders") a donné naissance à la finance comportementale. Il faut bien sûr attendre l'enquête qui est en cours pour mieux comprendre ce qui s'est passé et notamment les motivations et la psychologie de cet opérateur, mais cette affaire dramatique permet de rappeler que nous sommes tous victimes de quelques biais cognitifs qui nous conduisent à prendre de mauvaises décisions. Les facteurs qui nous conduisent à une prise de risque excessive sont les suivants : un excès d’optimisme, un sentiment d’invulnérabilité, une propension à minimiser nos échecs et à valoriser nos succès, une tendance à surestimer l’information qui confirme nos décisions ou nos préjugés (Biais de la confirmation), un excès de confiance en nous entraînant l’illusion de contrôler les évènements, un aveuglement au désastre (sous-estimation de la probabilité d’une catastrophe), une tentation de « doubler la mise » pour revenir à l’équilibre. On ne saurait trop insister sur la nécessité pour les financiers de chercher sans cesse à compenser ces faiblesses psychologiques (voir par exemple Psychology and financial statement analysis).
  5. La perte encaissée par la Société Générale n'aurait probablement pas été aussi importante si les conditions de marché n'avaient pas été si difficiles. La volatilité importante des marchés nous rappelle que le hasard n'est pas gaussien, ce qui jette une ombre sur les modèles d'évaluation que nous utilisons généralement. Comme le dit Christian Walter lors d'une discussion avec Benoît Mandelbrot :
    "Qu'est-ce qui se passe quand on examine de plus près les variations par rapport à l'hypothèse Gaussienne ? On voit qu'il apparaît ça et là, des pics, ça veut dire qu'il y a trop de variations importantes à la baisse ou à la hausse pour qu'on puisse les représenter par une loi de Gauss. Alors c'est important, parce que ces événements-là sont peut-être rares mais ils ont une grande importance sur le résultat final d'un investissement ou le contrôle final d'un risque. En fait, ils sont très peu nombreux, mais ils coûtent très chers pour permettre de gagner beaucoup. Par exemple, si l'on prend la performance annualisée du marché américain sur 9 ans [Note JFR : 1983-1992], sur les 2526 jours de la période totale la rentabilité annuelle est de 16,2%, si maintenant on retire les 10 meilleurs jours sur les 2526, on tombe de 16% à 11,6% de rentabilité, si on retire les 20 meilleurs jours la rentabilité annuelle tombe à 8,6%, en retirant les 30 meilleurs jours elle tombe à 6%, en retirant les 40 meilleurs jours, elle tombe à 3 et demi, 3,6. Ca veut dire que ce qu'on voit c'est que les 40 meilleurs jours, c'est-à-dire 2% à peu près du total des jours, participent au 4/5ième de la performance totale et donc très peu de jours contribuent pour l'essentiel au résultat final. Et ça c'est vraiment complètement étranger à l'optique Gaussienne, et donc depuis le krach de 87, globalement on a été amené à se dire que la loi de Gauss devait être améliorée ou remplacée pour mieux prendre en compte la structure réelle des variations du marché".
  6. Les sanctions qui ont été prises sont-elles suffisantes ? Le Président a présenté sa démission au conseil d'administration qui l'a refusé. Certains responsables ont été démis de leur fonction ou rétrogradés. Mais on peut penser que certains actionnaires minoritaires pourraient attaquer le conseil d'administration dont une des responsabilités est d'"évaluer la qualité du contrôle interne du groupe" (cf. le document de référence).
  7. Les systèmes de gouvernance interne et externe interagissent entre eux. Peu d'études ont été faites sur leur complémentarité ou leur substituabilité. Néanmoins il est acquis depuis les années 80 que les déficiences de contrôle interne conduisent les mécanismes de contrôle externe à s'exprimer de manière plus forte (voir l'article de Jensen dans le Journal of Finance de juillet 1993 : "The modern industrial revolution, exit and the failure of internal control systems"). C'est la raison pour laquelle les observateurs semblent considérer comme probable que la Société Générale fasse l'objet d'un rachat dans les mois qui viennent.
  8. Chaque fois que des scandales éclatent, les politiques s'en mêlent, d'abord par des déclarations tonitruantes, puis par des décisions qui ne sont pas forcément très heureuses. Cette affaire n'échappe pas à la règle. Nicolas Sarkosy a dénoncé "un système financier qui marche sur la tête et qui perd de vue sa finalité" et s'émeut qu'il puisse donner lieu à "des profits gigantesques et des pertes gigantesques en quelques heures". Ségolène Royale n'est pas en reste en déclarant que le capitalisme est "devenu incompétent, irresponsable, intolérable, désinvolte" et d'exiger que les banques "grâce à une loi bien claire, cessent de se faire du beurre sur le dos des plus modestes". Ces déclarations montrent une fois de plus la méconnaissance des politiques en matière financière. Espérons que les décisions législatives ou réglementaires seront plus réalistes et moins idéologiques.

dimanche 12 février 2012

Le mirage des "bonnes" pratiques : elles sont moins importantes que la dynamique humaine des conseils

Comment expliquer que malgré la prolifération des codes de bonne gouvernance, la pression des  organismes professionnels et des firmes de proxy pour leur adoption, l’attention croissante du législateur et des régulateurs quant à leur application, les organes de direction de grandes institutions financières se soient montrées  si incompétentes ou impuissantes durant la crise que nous venons de traverser ?

La raison profonde de cette situation doit plus être recherchée dans la dynamique humaine des conseils que dans leur organisation, leurs processus de travail ou leur composition. C’est le point de vue de Simon Wang, un des dirigeants de Governance for Owners, résumé dans McKinsey Quaterly de juin 2011 (Board : When best pratice isn’t enough) et développé dans un papier que l’on trouvera sur le site de SSRN (Elevating Board Performance: The Significance of Director Mindset, Operating Context, and Other Behavioral and Functional Considerations).

On trouvera un résumé de ce papier sur mon blog (www.rerolle.eu).

Préparation de la séance 4

Chaque année le cabinet de lawyers Wachtell Lipton publie une note à l'attention des administrateurs des sociétés américaines (Some Thoughts for Boards of Directors in 2012).

Même si cette firme est connue pour son engagement en faveur des directions générales plus que des actionnaires ou des autres parties prenantes, la lecture de cette note est toujours instructive. Elle permet de se rendre compte que les débats en matière de gouvernance sont très similaires des deux côtés de l'Atlantique.

Pour ce cabinet, les grandes problématiques auxquelles doivent faire face les administrateurs en 2012 sont les suivantes:
- un environnement qui pousse trop souvent les entreprises à prendre des mesures à court terme : ce qui pose la question de l'implication (trop souvent anecdotique) des conseils dans les choix stratégiques
- une montée en puissance des proxy firms (ISS et Glass Lewis)
- la succession des dirigeants qui est une tâche essentielle des conseils
- la composition des conseils (notamment les questions de mixité ou celles des administrateurs non performants)
- la rémunération des dirigeants et la pression exercée par les investisseurs grâce à la mise en place du "say on pay"
- la montée en puissance des activistes et la nécessité d'être prêt en cas d'attaque hostile à démontrer que la stratégie suivie est créatrice de valeur.



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mardi 12 avril 2011

Préparation de la séance 9

Les créanciers jouent un rôle actif dans la gouvernance des entreprises :

- On se reportera  tout d’abord au Vernimmen, et en particulier au chapitre 39 sur "Structure financière, fiscalité et théorie des organisations", au chapitre 40 : « Endettement, capitaux propres et théorie des options », en particulier la section 5 sur les méthodes de résolution des conflits entre actionnaires et créanciers et au chapitre 51 : "les faillites et les restructurations(lectures obligatoires).

- Pour une description de l'influence des créanciers sur la gouvernance voir le post que j'avais consacré à ce sujet sur mon blog et le papier de Nini, Sufi, and Smith, Creditor Control Rights, Corporate Governance, and Firm Value (November 19, 2010). Disponible sur le site SSRN (lecture recommandée)


- La question a également été traitée par Colette Neuville lors d’une conférence donnée à l’IFA le 23 février 2006 sur « L’emprise croissante des créanciers dans la gouvernance d’entreprise » (lecture obligatoire)

- Pour une description de la stratégie de certains investisseurs qui utilisent la dette comme un outil stratégique destiné à exercer une influence sur la gouvernance des entreprises et quelque fois à les acquérir, voir le working paper de Michelle Harner, qui a écrit plusieurs articles sur cette question:  Activist Distressed Debtholders: The New Barbarians at the Gate? (2011), Disponible sur  SSRN 

- Pour une vision plus nuancée de l’évolution du marché de la dette et de son impact sur la gouvernance des entreprises, voir l’étude de Charles Whitehead, The Evolution of Debt: Covenants, the Credit Market, and Corporate Governance (August 11, 2009), Disponible sur SSRN 

mardi 8 mars 2011

Le renforcement du pouvoir exécutif n'est pas un bon signe pour la gouvernance

Contrairement à ce que l’on peut lire dans le deuxième rapport annuel sur le code AFEP-MEDEF, «l’engagement des entreprises françaises en faveur d’un gouvernement d’entreprise transparent et exigeant» est loin d’être démontré.

On assiste en effet à un net renforcement du pouvoir exécutif dans les grandes entreprises cotées. Certains groupes ont décidé d’abandonner la structure duale de Conseil de Surveillance/Directoire pour une structure unitaire à Conseil d’Administration : Axa (Voir : La gouvernance à géométrie variableet Atos Origin en 2009, Safran plus récemment. D'autres ont décidé de regrouper les fonctions de Président et de Directeur général : après les avoir dissocié en 2009 (voir Ici, Ici et Ici), Véolia a décidé de les réunifier un an plus tard. France Télécom (ici et ici) et l'Oréal ont pris la même décision en 2011.

Les sociétés anonymes à conseil d'administration avec unicité des fonctions représentaient 34% du CAC 40 en 2008 et 40% en 2009, et leur part s'élève aujourd'hui à 52%.

Cette évolution et la façon dont les changements d'organisation ont été communiqués au marché illustrent une certaine forme de régression des pratiques de gouvernance dans notre pays.

L’un des principes fondamentaux d’un bon gouvernement d’entreprise est en effet l’équilibre des pouvoirs. Dès 1992, le rapport Cadbury pose comme principe essentiel la séparation des fonctions du Président du conseil d’administration et du Directeur général.

Ce principe continue à être affirmé avec force par le code de gouvernance britannique en vigueur :
«There should be a clear division of responsibilities at the head of the company between the running of the board and the executive responsibility for the running of the company’s business. No one individual should have unfettered powers of decision».
La validité de ce principe est à présent universellement reconnue, même si, de manière pragmatique, on admet encore un système unitaire à la double condition que ce choix soit clairement justifié par le conseil et que l’on essaie d’en compenser les effets négatifs par différentes techniques.

C’est ainsi qu’en Grande-Bretagne, un "Senior independant director "doit être désigné pour être le «sounding board» du Président et présider les sessions des administrateurs indépendants. Aux Etats-Unis, le Conference Board recommande qu’un «lead independant director» soit nommé si le Président, distinct du Directeur général, n’est pas indépendant (Voir : Corporate Governance Handbook: Legal Standards and Board Practices) . En cas de confusion des rôles, un « Presiding Director » conduit les réunions des administrateurs indépendants. En France, plusieurs sociétés ont mis en place un «administrateur référent» ou un «vice-président du conseil d’administration» dans un rôle similaire, et l’AFG (Association Française de Gestion Financière) en fait depuis l’année dernière une disposition importante de ses recommandations sur le gouvernement d’entreprise.

L’intérêt d’avoir un Président distinct du Directeur général va au-delà du respect du principe fondamental d’équilibre des pouvoirs. Il s’agit tout simplement d’acter le fait que le conseil d’administration est devenu une pièce essentielle du dispositif de la gouvernance d’une entreprise, de la qualité des décisions stratégiques qui sont prises et de la relation de confiance qui doit s’établir entre les instances dirigeantes d’une entreprise et ses actionnaires.

Le temps consacré par les administrateurs à leurs fonctions s’est substantiellement accru au cours des dernières années non seulement en raison de la fréquence des réunions du conseil et des comités dont ils sont membres, mais aussi parce que la complexité des dossiers nécessite un temps de préparation non négligeable (Voir levade-mecum de l’Administrateur de l’IFA).

L’organisation, la coordination et la synthèse des travaux des administrateurs requièrent une véritable mobilisation du Président, ce qui est difficilement conciliable avec l’exercice de fonctions exécutives dans toutes leurs plénitudes. Par ailleurs, l’expérience montre que les débats du conseil sont plus ouverts et efficaces lorsqu’ils sont facilités par un Président qui n’est pas soucieux de faire approuver ses initiatives ou conforter ses décisions. La crise récente a mis en évidence les graves dysfonctionnements qui résultent de conseils dominés par le responsable exécutif de l’entreprise (Voir : OECD, The Corporate Governance Lessons from the Financial Crisis).

L’intérêt opérationnel d’avoir une séparation des pouvoirs n’est malheureusement pas souvent compris ou accepté, particulièrement en France (voir cependant le cas de Technicolor qui offre un contre-exemple remarquable). Il est fréquent qu’une entreprise décide la dissociation des fonctions pour permettre au PDG qui se retire de conserver sa rémunération et de maintenir une influence sur son «jeune» successeur. Quelques années plus tard, ce dernier s’empressera de fusionner à nouveau les deux fonctions lorsque le «vieux Président» sera atteint par la limite d’âge et devra enfin quitter le conseil d’administration. Ces allers et retours sont une véritable insulte à l’intelligence des actionnaires et à la bonne gouvernance d’autant que la communication faite à ces occasions est généralement d’une banalité affligeante.

Les formules utilisées dont on retrouvera un florilège dans le rapport précité du MEDEF sont révélatrices de la pauvreté de la réflexion qui a présidé à ces décisions pourtant fondamentales. C’est ainsi que le cumul des fonctions est considéré comme « le plus adapté à l’organisation et au mode de fonctionnement souhaitable du groupe », ou « plus apte à répondre aux défis de la crise », ou encore de nature à « simplifier le processus de décision de la direction générale » et de le rendre « plus efficace dans un environnement économique et concurrentiel en évolution permanente».

La vraie question n’est pas celle du choix d’organisation effectué par l’entreprise car, comme on l’a indiqué précédemment, il existe de nombreux moyens de rééquilibrer les pouvoirs derrière une apparente autocratie. Le vrai problème est celui de la sincérité avec laquelle les entreprises ont adopté les principes de bonne gouvernance. Le fait qu’elles soient apparemment incapables d’expliquer rationnellement et spécifiquement les raisons pour lesquelles elles ont fait tel ou tel choix en matière de gouvernance est inquiétant.

Sous la pression des « proxy advisors », les entreprises cotées ont adopté une stratégie de conformité moutonnière qui est finalement très compatible avec leur manque de conviction fréquent sur les bienfaits d’une bonne gouvernance. Elles se contentent de mettre en place un jeu de pratiques reconnues qui donnera lieu à une communication plate et convenue. Soulagées et protégées par cette procédure alibi, elles peuvent développer des modalités de gouvernance parallèle qui restent inconnues de leurs actionnaires sauf lorsqu’une catastrophe éclate.

Ce comportement est en totale contradiction avec celui que la bonne gouvernance préconise : 
  1. La gouvernance d’une entreprise n’est pas un vernis destiné à agrémenter les rapports annuels. Elle doit être considérée comme un élément essentiel de sa gestion. Les promesses qui sont faites aux actionnaires doivent être accompagnées d’un minimum de garanties pour maintenir leur confiance. Le système de gouvernance a justement pour rôle de convaincre les actionnaires que l’entreprise sera bien dirigée et contrôlée et que la valeur créée sera répartie de manière équitable entre les pourvoyeurs de fonds. De ce point de vue, la gouvernance est un des paramètres clés de la valeur de l’entreprise
  2. Le système à mettre en place dépend de nombreux facteurs spécifiques à la société : sa taille, la complexité de ses opérations, sa maturité, la géographie de son capital, sa culture, son histoire … Le conseil d’administration est l’architecte de la gouvernance. Représentant des actionnaires, il doit mettre en place un système de décision et de contrôle qui permette de pérenniser la société et de protéger les intérêts à long terme des investisseurs. Les solutions toutes faites sont à proscrire. Procédant d’une vision stratégique, ce système ne peut être remis en cause pour satisfaire l’ego d’un individu ou répondre aux modes du moment. 
  3. Les actionnaires ont le droit fondamental d’être informés de la façon dont la gouvernance est organisée et appliquée. L’information doit être précise et concrète (voir par exemple le rapport annuel de BAE qui est un modèle du genre). Les phrases creuses ne peuvent que desservir les entreprises qui les utilisent. Le conseil d’administration renforcerait sa crédibilité si des explications précises étaient données sur les modalités de répartition des pouvoirs, la façon dont les conflits d’intérêts sont gérés, les grandes thématiques abordées dans la réflexion du conseil, voire même les controverses ou les incertitudes et la façon dont elles ont été tranchées. De grâce, cessons ces déclarations sans odeur et sans saveur préalablement aseptisées par les juristes! Soyons plus authentiques dans notre communication.

Pour revenir au cas de Safran qui n'a pas encore été soumis à ses actionnaires, la décision d’adopter une structure unitaire de gouvernance n’est pas forcément un mal en soi (d’autant que la structure duale ne lui a pas vraiment réussi dans le passé…). Mais les éléments d’information qui ont été communiqués ne permettent pas aux investisseurs de voter en pleine connaissance de cause. Il faut espérer que la société donnera des explications plus précises et convaincantes sur les raisons qui la poussent à changer de gouvernance et que le conseil d’administration prendra la sage décision de dissocier les fonctions de Président et de Directeur général ou au minimum de nommer un administrateur référent de poids.

Ce post est publié conjointement sur mon blog et sur le blog de la DFCG

samedi 12 février 2011

le risque actionnarial doit être au centre des préoccupations des conseils d'administration

Le risque actionnarial défini comme l’éventualité d’un décrochage important, brutal et inattendu du cours de bourse d’une entreprise cotée est :
  1. un risque fréquent : au cours des 3 dernières années (2008-2010), 45% des 300 plus grandes entreprises françaises ont connu une chute de leurs cours par rapport à l’indice de plus de 20% sur une période d’un mois calendaire 
  2. un risque économique majeur : La chute du cours de bourse va en effet peser sur la croissance anticipée de l’entreprise : elle réduit les possibilités de financement des opportunités de croissance futures (qui étaient contenues dans l’appréciation de la valeur de marché antérieure à la chute) ; elle démotive les managers rémunérés en fonction des performances actionnariales ; elle déséquilibre la structure financière exprimée en valeur de marché, et dans certains cas, précipite l’entreprise dans une situation de détresse financière (rupture des covenants bancaires); en accroissant la vulnérabilité stratégique de l’entreprise, elle peut augmenter la volatilité des flux de liquidités futurs et le coût du capital.
  3. un risque de gouvernance : apparition d’investisseurs activistes, coûts engagés pour se défendre et rétablir sa réputation, relations avec le marché plus compliquées, survenance de désaccords au sein du conseil sur la conduite à tenir en cas d’offre hostile sur le capital, distraction du management au détriment de la gestion opérationnelle, etc.
  4. un risque autonome : contrairement à ce que disent les approches de risk management ou de contrôle interne, la valeur n’est pas uniquement la résultante d’une bonne stratégie de gestion des risques. Un décrochage important du cours de bourse n’est pas sans conséquence sur la valeur fondamentale de l’entreprise. Il existe une boucle de rétroaction qui n’est généralement pas perçu par les directions générales
  5. un risque durable :  la déconnection du cours par rapport à l’indice ne se réduit que très lentement au cours du temps. Dans l’étude précitée de Ernst & Young, on s’apercevait qu’au bout d’un an, l’écart ne s’était réduit que de 50%. Il faut dire que lorsque l’entreprise pâtit de la méfiance du public, il est très difficile de rectifier la tendance. Selon le dernier Edelman Trust Barometer 2011, 57% des personnes interrogées vont croire une information négative entendue une ou deux fois à propos d’une entreprise dont elles se méfient. 15 % seulement croiront une information positive à l’égard de cette même entreprise. Ces chiffres contrastent avec les résultats obtenus pour une entreprise en laquelle elles ont confiance : 25% vont croire une information négative  et 51 % une information positive.
  6. un risque qui est avant tout du ressort du conseil d’administration dont le rôle est de s’assurer que l’entreprise saura satisfaire les attentes des investisseurs. Les administrateurs doivent comprendre d’où vient la valeur créée par l’entreprise et vérifier que le marché évalue correctement les perspectives de génération de cash flow. Il leur appartient de vérifier que le management a mis en place un véritable marketing du titre

Pour plus d’informations sur le risque actionnarial, voir mon post sur www.rerolle.eu

lundi 7 février 2011

Les auditeurs sont-ils les prochains boucs émissaires ?

Après les banquiers, les fonds alternatifs et les agences de notation, le prochain coupable de la crise est peut-être l’auditeur. Jusqu’à présent, les cabinets d’audit n’avaient pas été réellement inquiétés. Les attaques s’étaient concentrées sur les normes comptables et, plus particulièrement, sur le caractère pro-cyclique de la juste valeur. Malgré les sommations des politiques et les lamentations des banquiers, les normalisateurs n’ont pas vraiment bougé. Grâce à quelques aménagements proposés par les régulateurs, acceptés par les auditeurs et appliqués par les évaluateurs, la tension était retombée. 
C’était sans compter le Commissaire Barnier dont le Green Paper permet de relancer le débat tous azimuts, débat qui fait écho à celui qui commence également aux Etats-Unis.
La plupart des accusations sont connues. Les auditeurs n’ont pas été à la hauteur de la situation. Ils n’ont pas été capables d’anticiper les difficultés, ou plutôt de faire en sorte qu’elles apparaissent clairement dans les comptes des banques. Pire, certains vont jusqu’à considérer que leur laxisme les rend complices de faillites bancaires. C’est ainsi que Charlie Munger, l’associé de Warren Buffet, a soutenu que : 
« a majority of the horrors we faced would not have happened if the accounting profession were organized properly. In other words, they have a position from which, if they behaved intelligently and correctly, they could prevent a huge amount of all that's wrong with the system. And they fail utterly, time after time, after time. And they are way too liberal in providing the kind of accounting the financial promoters want. They have sold out ».
L'interview de Charlie Munger :



Les critiques sont anciennes et bien connues. Le Green Paper européen en fait un inventaire assez complet ... Lire la suite sur mon blog http://www.rerolle.eu/

A la suite de ce livre vert, la commission a déposé son projet de directive que l'on peut télécharger ici.

Le cas Spérian : attestation d'équité et synergies


La France est un des rares pays à avoir réglementé les conditions dans lesquelles un expert indépendant doit se prononcer sur le caractère équitable d’une offre publique. Cependant, de nombreuses incertitudes demeurent sur la façon dont l’expert doit mener son analyse. Dans la pratique, les observateurs (et la plupart des professionnels) ne font pas la différence entre attestation d’équité et évaluation. Or une attestation d’équité ne se réduit pas à une évaluation. Bien d’autres paramètres sont à prendre en considération. L’offre publique d’achat lancée sur les actions de Spérian permet de montrer que l’analyse d’une transaction ne se réduit pas à une simple comparaison entre un prix et une valeur intrinsèque.

Lire la suite sur mon blog : http://www.rerolle.eu/

Les recommandations de l'AMF sur le comité d'audit

Le 22 juillet 2010, l’AMF a mis en ligne ses recommandations sur la mise en place des comités d’audit à la suite des travaux du groupe de place présidé par Olivier Poupart Lafarge, membre du Collège.

Beaucoup d’encre a d’ores et déjà coulé pour décrire ces nouvelles dispositions qui résultent de l’article L.823-19 du code de commerce introduit par l’Ordonnance du 8 décembre 2008. Cette réglementation est prise en application de la fameuse 8ème Directive européenne du 17 mai 2006 qui fait obligation à toute entreprise cotée de se doter d’un comité d’audit.

Depuis la parution de cette directive (et de la Recommandation de la Commission européenne en date du 15 février 2005), de nombreux comités de réflexions ont été réunis en France pour faire l’exégèse de ce texte et en identifier les conséquences pratiques. C’est ainsi que l’Institut Français des Administrateurs a réuni deux commissions : l’une sur les rapports entre le comité d’audit et les commissaires aux comptes et l’autre sur la responsabilité des membres des comités. L’IFA a également conduit des travaux en partenariat avec l’IFACI et l’AMRAE sur l’audit interne pour le premier et la maîtrise des risques pour le second. Le Club des Juristes a lui aussi pris position dans un rapport datant de juin 2009.

C’est probablement la multiplicité des commentaires qui a conduit l’AMF à réunir son propre groupe de réflexion afin de fixer quelques lignes claires qui pourraient non seulement inspirer les entreprises mais aussi les tribunaux. En effet, un certain nombre d’experts regrettaient la profusion de ces textes, la légère tendance à la surenchère de bonnes pratiques qu’ils véhiculaient et les conséquences juridiques qui pourraient en découler devant les juges.

Un recadrage de la part d’une autorité comme l’AMF était souhaitable pour éviter des pratiques hétérogènes et peut être des interprétations trop ambitieuses. Le rapport du groupe de travail affiche donc clairement que l’objectif de l’AMF est de « souligner les points saillants des missions confiées au comité d’audit, d’apporter un éclairage sur son périmètre d’intervention et de proposer une démarche concrète de mise en œuvre, permettant ainsi de poser les fondamentaux et d’éviter des pratiques à géométrie variable ». Cette initiative lui permet aussi de « rappeler que les comités d’audit étaient au cœur de ses préoccupations » (la qualité de l’information financière est centrale dans sa tâche de protection des investisseurs et faisaient partie des nouveaux enjeux de régulation).
En vertu de la recommandation de l’AMF, les sociétés cotées devront se référer au rapport du groupe de travail dans le rapport du Président sur le contrôle interne et la gestion des risques, et, dans la logique habituelle du « comply or explain », en cas d’application partielle, elles devront clairement identifier les recommandations qu’elles ont appliquées et la raison pour laquelle elles n’appliquent pas les autres.

Ce rapport comporte quatre idées essentielles :
  1.  Le champ d’action du comité d’audit est strictement encadré et subordonné
  2. Il s’agit d’un comité purement technique qui surveille le processus de gestion des risques
  3. La responsabilité de ses membres est conforme au droit commun
  4.  L’organisation du comité est exclusivement définie par le conseil (d’administration ou de surveillance)

Voir la suite sur mon blog http://www.rerolle.eu/

Paid to Fail

Lucian Bebchuck résume sur le site Project Syndicate son papier "The Wages of Failure: Executive Compensation at Bear Stearns and Lehman Brothers 2000-2008 "

dimanche 6 février 2011

Thierry Francq est l'invité de la séance 7

Secrétaire général de l’AMF depuis un an, Thierry Francq sera notre invité de la séance du 14 mars 2012. Il nous parlera des missions de l’Autorité des Marchés Financiers et du rôle ou de l'influence que le régulateur peut avoir sur la gouvernance des entreprises cotées.

Né en avril 1964, Diplômé de l’Ecole polytechnique  et de l’Ecole nationale de statistiques et d’administration économique (ENSAE), Thierry FRANCQ a débuté sa carrière en 1988 au sein de la Direction de la Prévision (ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie) comme adjoint au chef du Bureau extérieur puis opérations financières. En 1992, il rejoint la Direction du Trésor où il a occupé les fonctions d’adjoint au chef du Bureau financement du logement et, à partir de 1995, de chef du Bureau en charge de la politique de la France vis-à-vis du Fond monétaire international (FMI) et du système financier international et de la préparation des sommets G7.  De mars 2000 à mai 2002, il exerce les fonctions de sous-directeur en charge de la régulation des entreprises, des produits et des marchés d’assurances puis, de 2002 à mai 2004, celles de sous-directeur du Service des participations avant d’être nommé Chef du Service du financement de l’économie à la Direction générale du Trésor et de la politique économique (ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie). 

Pierre Rodocanachi est l'invité de la séance 4



Pierre Rodochanachi, membre du Conseil de Surveillance et du comité d'audit de Vivendi et Président de son comité des ressources humaines est l'invité de notre séminaire du 15 février 2012.
Diplômé d’études supérieures de physique de la Faculté des sciences de Paris, il est Administrateur de plusieurs organisations sans but lucratif, parmi lesquelles la Chambre de commerce américaine en France dont il a été Président de 1997 à 2000, ainsi que d’organisations à caractère social ou humanitaire, dont Special Olympics France et l’Institut du mécénat de solidarité (IMS) dont il est l’un des fondateurs et le Trésorier.
M. Rodocanachi est le Président du Conseil d’orientation de la société internationale de conseil en stratégie et management Booz Allen Hamilton devenue Booz & Company en 2008. Entré dans le groupe en 1973, il en est devenu en 1979 le Directeur général de la filiale française. En 1987, il a été nommé Senior Vice-Président, Administrateur membre du Comité stratégique et du Comité des opérations de Booz Allen Hamilton Inc., et responsable pour l’Europe du Sud de l’ensemble des activités du groupe. Avant d’entrer chez Booz Allen Hamilton, M. Rodocanachi a commencé sa carrière comme chercheur dans un laboratoire de physique des solides du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), puis a dirigé pendant cinq ans le service du plan de la Délégation générale à la recherche scientifique et technique (DGRST). De 1969 à 1971, il a été le Conseiller technique pour les affaires scientifiques du Ministre de l’industrie et, de 1971 à 1973, le Directeur général adjoint de l’Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR).
Il est actuellement Directeur Général de Management Patrimonial Conseil qui conseille des Family Offices.
Chevalier de la Légion d’Honneur et de l’Ordre National du Mérite, M. Rodocanachi est membre de l’Association des médaillés olympiques français.

vendredi 21 mai 2010

Les cumulards du CAC 40

La revue Alternatives Economiques vient de publier un article sur les liens de consanguinité  qui existent entre les conseils d'administration des entreprises du CAC 40. 

Une infographie animée illustre de manière édifiante le phénomène : 


 

Merci à Nicolas Arnoult qui m'a signalé cet article.

vendredi 16 avril 2010

Private Equity et Gouvernance Financière

A la suite du séminaire sur les fonds d'investissement, je mets en ligne une présentation que j'avais faite l'année dernière sur le sujet à l'Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale.

mardi 13 avril 2010

Bibliographie de la séance 11

La séance 11 porte sur l'Etat et la Gouvernance. Non seulement l'Etat intervient dans la production des règles de gouvernement d'entreprise (voir la séance 3 et en particulier l'article de Sophie Harnay déjà cité comme référence bibliographique)  et dans la régulation financière (voir la séance 7), mais il est lui même acteur de la gouvernance dans toutes les entreprises dans lesquelles il a investi ou entend jouer un rôle. Son action peut s'exercer dans un cadre de gouvernance précis (lorsqu'il est représenté au conseil d'administration) ou peut prendre des formes plus inhabituelles (pressions multiformes publiques ou confidentielles). On a même vu l'Etat tenter d'infléchir les pratiques d'entreprises totalement privées (exemple des rémunérations des dirigeants). Bref, l'Etat devient un acteur incontournable de la gouvernance.

Lectures obligatoires :

- l'Agence des Participations de l'Etat de Bruno Bezard et Eric Preiss, Revue Française d'Administration Publique 2007/4
- Les errements de l'Etat actionnaire d'Hervé Joly (Télos, le 4 novembre 2009)
- Octobre 2008 : le retour de l'Etat ? perspectives politiques sur la crise financière de Bruno Bernardi (La vie des Idées, 17 octobre 2008)
- Consulter le rapport d'activité du Fonds d'Investissement Stratégique de 2009
- Comment Sarkozy prépare la relève des patrons (Les Echos 12 février 2009)
- La vérité sur le pantouflage (Les Echos du 6 mai 2009)
Bilan et perspectives des fonds souverains (Banque de France 2008)
Quel patriotisme économique au XXIème siècle (Institut Montaigne, David Thesmar et Augustin Landier, décembre 2005)


Lectures facultatives :

- la Revue Française d'Administration Publique qui consacre tout son numéro 2007/4 à l'Etat Actionnaire (accessible sur le site de la Bibliothèque de SciencesPo). 
- Les lignes directrices de l'OCDE sur le gouvernement d'entreprises des entreprises publiques qui présente l'approche que l'OCDE recommande à ses membres

dimanche 28 mars 2010

Comment éviter de prendre des décisions biaisées : une interview de Michael Mauboussin

Chief Investment Strategist chez Legg Mason Capital Management, Michael Mauboussin vient de publier son troisième livre : Think Twice. Il s'agit d'un ouvrage qui porte sur la prise de décision et ses biais comportementaux. Dans une interview passionnante donnée à James Surowiecki, chroniqueur du New Yorker, il revient sur l'application de ses idées aux décisions financières. Il s'agit d'une excellente introduction à la finance comportementale, branche encore minoritaire de la finance, mais qui se développe puissamment depuis que la crise actuelle a mis en lumière les défaillances du marché.





jeudi 18 mars 2010

Préparation de la séance 7

La séance 7 a pour thème d'étude le marché de la prise de contrôle des entreprises.

Les étudiants sont invités à lire préalablement à la séance les documents suivants :

- Le chapitre 48 du Vernimmen (Finance d'Entreprise 2011) sur les négociations de contrôle offre une présentation très complète des opérations de prise de contrôle dans un environnement coté.

- l'article fondamental de Michael Jensen sur les coûts d'agence qu'une surévaluation du cours d'une action peut engendrer

- Le Plan Stratégique de l'AMF publié en 2009 permet de mieux comprendre les préoccupations du régulateur. Pour tous ceux qui ne sont pas familiers avec le rôle de l'AMF, il suffit d'aller sur son site et en particulier les pages décrivant ses missions et la procédure de sanctions.

- Pour un panorama des armes utilisées par les sociétés pour se défendre contre les offres publiques hostile, le cabinet d'avocats Herbert Smith a réalisé en 2008 une note très intéressante : "overview of defences used by companies listed on the CAC 40 to prevent unsolicited takeover bids".

Lectures complémentaires :

- Deux articles fondamentaux de Michael Jensen qui sont certes anciens mais qui ont conservé leur faicheur (:-)) : "Agency Costs of Free Cash FlowCorporate Finance, and Takeovers" (1986)  et (en collaboration avec Ruback) : "The market for corporate control : the scientific evidence" (1983)





samedi 13 mars 2010

Le luxe corrompt le jugement et la décision

L’exposé de la dernière séance du séminaire qui portait sur la rémunération des dirigeants a présenté la théorie du « Crowding out effect » qui considère qu’une rémunération élevée peut être contre-productive (à l’inverse de la position soutenue par la théorie de l’agence).

Je viens de découvrir un papier qui apporte un éclairage complémentaires très intéressant : le luxe altère le jugement si l’on en croit deux professeurs de Harvard, Roy Y.J. Chua et Xi Zou qui ont relaté dans une étude intitulée  « The Devil Wears Prada? Effects of Exposure to Luxury Goods on Cognition and Decision Making » leurs expériences dans ce domaine.

Leur travail montre que la simple exposition à des produits de luxe augmente la propension d’un individu à donner la priorité à son intérêt propre sur ceux des autres, ce qui affecte ses prises de décisions.

Mais il ne faut pas tirer la conclusion rapide que l’exposition au luxe conduit nécessairement les individus à avoir des comportements immoraux :

In the midst of the current global economic crisis, people are outraged by highly paid executives living on the lap of luxury but continue to make self-serving decisions while ignoring the plight of others (The Economist, 2009). One commonly proffered explanation is that these executives lack a moral compass, leading them to care only about themselves to the extent of hurting others. Our findings offer another perspective – the fact that these executives are surrounded by luxury did not help their decision making to be more others-oriented. Yet their seemingly “immoral” decisions stem not so much from real tendency to hurt others but more from over self indulgence. Perhaps limiting corporate excesses and luxuries might indeed be a step toward getting executives to behave more responsibly.

On est assez séduit par cette vision lorsque l’on pense à Warren Buffet ou au succès d’un certain nombre de groupes familiaux qui restent discrets et dont les membres se gardent d’étaler ostensiblement leur fortune.

On ne peut pas non plus s’empêcher de reproduire ce raisonnement au monde politique : la culture ‘bling-bling » n’explique-t-elle pas l’infatuation et l’égocentrisme de certains hommes politiques... ?

dimanche 31 janvier 2010

Un évènement rare en gouvernance : un PDG qui veut être uniquement DG !

L'évènement est passé inaperçu, et pourtant il est si rare qu'il aurait mérité quelques papiers dans la presse. Lors de l'AGE des actionnaires de Thomson qui va devenir Technicolor, Frédéric Rose, le Président Directeur général a annoncé qu'il allait demander à son conseil d'administration de revenir à une formule de gouvernance dans laquelle les postes de Directeur général et de Président du Conseil d'administration sont dissociés.

Cette situation est exceptionnelle parce que l'on voit plutôt des situations dans lesquelles les deux fonctions sont réunies (comme Axa , Société Générale , Renault, Accor et bientôt Vinci) après avoir été dissociées ou bien sont dissociées pour permettre à l'ancien PDG de rester Président du Conseil avec tous les avantages qui s'attachait à son ancienne fonction alors que le pouvoir exécutif est transmis à son dauphin (comme la Société Générale pour Daniel Bouton avant que celui ci ne soit contraint de partir, ou encore BNP Paribas).

Dans le cas de Thomson, Frédéric Rose se propose de rester Directeur général et de laisser la fonction de Président à l'un des administrateurs de son Conseil (sachant que ce dernier doit être profondément renouvelé pour comprendre 8 administrateurs indépendants sur 10). Durant l'AGE, et en réponse à une question posée par un actionnaire, il a souligné que cette situation lui paraissait beaucoup plus saine car elle permettra d'éviter des "bêtises" du genre de celles qui ont été faites précédemment.

Rappelons que la dissociation des fonctions est considérée comme une bonne pratique notamment par les représentants des investisseurs car elle permet d'éviter les conflits d'intérêt et de renforcer le contrôle du Conseil d'administration grâce à une meilleure animation de ses travaux par un Président de plein exercice (même s'il est rare que cela soit une fonction à plein temps).

Cette pratique est malheureusement loin d'être suivie par les entreprises européennes et singulièrement les entreprises françaises comme le montre ces statistiques de Heidrick & Struggles tirées de leur récent rapport "Boards in turbulent times, Corporate Governance Report 2009":



 A noter que les américains ne sont pas plus vertueux si l'on en croit le Spencer Stuart Board Index de 2009, même si la plupart des entreprises du S&P 500 ont un lead director (voir mon post sur le Code Hellebuyck) :