L'objectif de ce blog

Ce blog est le support du séminaire Gouvernance Financière animé par Jean-Florent Rérolle à Sciences Po depuis l'année 2004-2005 (séminaire de printemps). Il est destiné avant tout aux étudiants inscrits au séminaire, mais il est aussi ouvert à tous ceux qui s'intéressent à cette matière qui est devenue une composante essentielle de la finance d'entreprise, en particulier aux étudiants qui n'auront pas pu s'inscrire et qui veulent avoir un aperçu de ce que nous allons traiter durant ce semestre. Le programme détaillé des séances peut être téléchargé ici.

dimanche 18 janvier 2009

Le débat sur la juste valeur : de l'illusion comptable au réalisme financier

L’opportunité de l'introduction de la juste valeur a toujours donné lieu à d’intenses débats en particulier pour leur application aux instruments financiers (voir l'excellent papier de Nicolas Veron sur le sujet, ou bien le position paper des professeurs de finance de l'Edhec).
La polémique a redoublé de violence depuis le début de la crise financière. Il est apparu que la conjonction du principe de juste valeur d’une part et de normes prudentielles bancaires s’appuyant sur la comptabilité d’autre part, pouvait avoir un effet pro-cyclique (voir la conférence organisée par la SFEV en partenariat avec le mastère Finance et Stratégie en septembre 2008 sur le thème "Valeur et Prix en période de crise").

Plusieurs dirigeants d’institutions bancaires ou d’assurance se sont empressés d’envoyer les normes comptables dans le box des accusés avec les agences de notation et les fonds alternatifs. Il faut dire qu’il est plus facile de critiquer le référentiel comptable que les normes prudentielles lorsque l’on est sous le joug des superviseurs bancaires.

Pourtant, de manière significative, le principe de juste valeur n’a pas subi les foudres des dirigeants du G20. La déclaration publiée à la suite du Sommet du 15 novembre 2008 reste silencieuse à leur endroit, même si les autorités comptables sont appelées à
« œuvrer à l'amélioration des lignes directrices pour la valorisation des titres en tenant compte de l'évaluation des produits complexes illiquides, en particulier en période de tension sur les marchés financiers ».
L’un des mérites de cette crise nous semble avoir été de clarifier le débat (à défaut d’avoir permis l’émergence de solutions totalement claires et opérationnelles !) sur deux points principaux qui marquent la fin d’une certaine utopie comptable et le retour à un réalisme financier :
  1. Conceptuellement, établir un bilan qui puisse ou même doive refléter de manière réaliste la valeur de marché des entreprises est une ambition démesurée. Le marché est trop complexe pour se laisser capturer dans un système comptable.
  2. La mise en œuvre d’une évaluation suppose une part importante de jugement. L’encadrement de ce processus par un référentiel comptable est dangereux. Les prescriptions imposées aux évaluateurs ont ainsi été logiquement et sagement assouplies.
J'ai écrit un article sur ces questions dans la Revue Trimestrielle de Droit Financier. Je résume ma position dans un message publié sur mon blog.

Les étudiants intéressés par cette question importante pourront également consulter avec profit le rapport Marteau sur les Normes comptables et la crise financière qui a été remis au ministre des Finances en octobre 2009. Ce document est très critique à l'égard de la juste valeur et souligne avec justesse la confusion habituellement faite entre juste valeur et valeur de marché. La seconde n'est que l'une des modalités de calcul de la première. Et si l'on remet en question l'hypothèse d'efficience des marchés (ce qui est une tendance assez fréquente par les temps qui courent !) il faut alors accepter des approches "marked to model" pour évaluer les actifs des entreprises ou des banques.

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